Les Quarante-cinq. Tome I | страница 64




– Je ne vous ai pas dit encore qui serait votre maître, messieurs…


– Oui, dit Sainte-Maline ; mais vous avez dit que nous en aurions un.


– Tout le monde a un maître ! s’écria Loignac ; mais si votre air est trop fier pour s’arrêter où vous venez de dire, cherchez plus haut ; non seulement je ne vous le défends pas, mais je vous y autorise.


– Le roi, murmura Carmainges.


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– Silence, dit Loignac, vous êtes venus ici pour obéir, obéissez donc ; en attendant voici un ordre que vous allez me faire le plaisir de lire à haute voix, monsieur Ernauton.


Ernauton déplia lentement le parchemin que lui tendait M.

de Loignac, et lut à haute voix :


« Ordre à M. de Loignac d’aller prendre, pour les commander, les quarante-cinq gentilshommes que j’ai mandés à Paris, avec l’assentiment de Sa Majesté.


NOGARET DE LA VALETTE,


Duc d’Épernon. »


Ivres ou rassis, tous s’inclinèrent : il n’y eut d’inégalités que dans l’équilibre, lorsqu’il fallut se relever.


– Ainsi, vous m’avez entendu, dit M. de Loignac : il s’agit de me suivre à l’instant même. Vos équipages et vos gens demeureront ici, chez maître Fournichon qui en aura soin, et où je les ferai reprendre plus tard ; mais, pour le présent, hâtez-vous, les bateaux attendent.


– Les bateaux ? répétèrent tous les Gascons ; nous allons donc nous embarquer ?


Et ils échangèrent entre eux des regards affamés de curiosité.


– Sans doute, dit Loignac, que vous allez vous embarquer.

Pour aller au Louvre, ne faut-il point passer l’eau ?


– Au Louvre, au Louvre ! murmurèrent les Gascons joyeux ; cap de Bious ! nous allons au Louvre !


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Loignac quitta la table, fit passer devant lui les quarante-cinq, en les comptant comme des moutons, et les conduisit par les rues jusqu’à la tour de Nesle.


Là se trouvaient trois grandes barques qui prirent chacune quinze passagers à bord et s’éloignèrent du rivage.


– Que diable allons-nous faire au Louvre ? se demandèrent les plus intrépides, dégrisés par l’air froid de la rivière, et fort mesquinement couverts pour la plupart.


– Si j’avais ma cuirasse au moins ! murmura Pertinax de Moncrabeau.

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X

L’homme aux cuirasses


Pertinax avait bien raison de regretter sa cuirasse absente, car à cette heure justement, par l’intermédiaire de ce singulier laquais que nous avons vu parler si familièrement à son maître, il venait de s’en défaire à tout jamais.


En effet, sur ces mots magiques prononcés par madame Fournichon : dix écus, le valet de Pertinax avait couru après le marchand.