Les Quarante-Cinq. Tome III | страница 91




– À vous accompagner.


– En quelle qualité ?


– En qualité d’intendant du comte.


– Dis-lui que j’accepte.


– Oh ! madame !


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– Ajoute que je suis sur le point de passer en Angleterre, où j’ai des parents, et que cependant j’hésite ; mens comme lui ; pour vaincre, Remy, il faut au moins combattre à armes égales.


– Mais il vous verra.


– Et mon masque ! D’ailleurs je soupçonne qu’il me connaît, Remy.


– Alors, s’il vous connaît, il vous tend un piège.


– Le moyen de s’en garantir, est d’avoir l’air d’y tomber.


– Cependant…


– Voyons, que crains-tu ? connais-tu quelque chose de pire que la mort ?


– Non.


– Eh bien ! n’es-tu donc plus décidé à mourir pour l’accomplissement de notre vœu ?


– Si fait ; mais non pas à mourir sans vengeance.


– Remy, Remy, dit Diane avec un regard brillant d’une exaltation sauvage, nous nous vengerons, sois tranquille, toi du valet, moi du maître.


– Eh bien ! soit, madame, c’est chose dite.


– Va, mon ami, va.


Et Remy descendit, mais hésitant encore. Le brave jeune homme avait, à la vue d’Aurilly, ressenti malgré lui ce frissonnement nerveux plein de sombre terreur que l’on ressent à la vue des reptiles ; il voulait tuer parce qu’il avait eu peur.


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Mais cependant, au fur et à mesure qu’il descendait, la résolution rentrait dans cette âme si fortement trempée, et en rouvrant la porte, il était résolu, malgré l’avis de Diane, à interroger Aurilly, à le confondre, et, s’il trouvait en lui les mauvaises intentions qu’il lui soupçonnait, à le poignarder sur la place.


C’était ainsi que Remy entendait la diplomatie.


Aurilly l’attendait avec impatience ; il avait ouvert la fenêtre afin de garder d’un seul coup d’œil toutes les issues.


Remy vint à lui, armé d’une résolution inébranlable ; aussi ses paroles furent-elles douces et calmes.


– Monsieur, lui dit-il, ma maîtresse ne peut accepter ce que vous lui proposez.


– Et pourquoi cela ?


– Parce que vous n’êtes point l’intendant de M. du Bouchage.


Aurilly pâlit.


– Mais qui vous a dit cela ? demanda-t-il.


– Rien de plus simple. M. du Bouchage m’a quitté en me recommandant la personne que j’accompagne, et M. du Bouchage, en me quittant, ne m’a pas dit un mot de vous.


– Il ne m’a vu qu’après vous avoir quitté.


– Mensonges, monsieur, mensonges !


Aurilly se redressa ; l’aspect de Remy lui donnait toutes les apparences d’un vieillard.


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– Vous le prenez sur un singulier ton, brave homme, dit-il en fonçant le sourcil. Prenez garde, vous êtes vieux, je suis jeune ; vous êtes faible, je suis fort.