Les Quarante-Cinq. Tome III | страница 77




– Ah ! monseigneur, reprit l’enseigne, Votre Altesse comprend bien mal ma discrétion ; il n’y a de secrets qu’en ce

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qui concerne M. du Bouchage ; ne pourrait-il pas arriver, par exemple, que tout en servant l’intérêt général, M. Henri eût voulu rendre service à quelque parent ou à quelque ami, en le faisant escorter ?


– Qui donc est ici parent ou ami du comte ? Qu’on le dise ; voyons, que je l’embrasse !


– Monseigneur, dit Aurilly en venant se mêler à la conversation avec cette respectueuse familiarité dont il avait pris l’habitude, monseigneur, je viens de découvrir une partie du secret, et il n’a rien qui puisse motiver la défiance de Votre Altesse. Ce parent que M. du Bouchage voulait faire escorter, eh bien !…


– Eh bien ! fit le prince, achève, Aurilly.


– Eh bien ! monseigneur, c’est une parente.


– Ah ! ah ! ah ! s’écria le duc, que ne me disait-on la chose tout franchement ? Ce cher Henri !… Eh ! mais, c’est tout naturel… Allons, allons, fermons les yeux sur la parente, et n’en parlons plus.


– Votre Altesse fera d’autant mieux, dit Aurilly, que la chose est des plus mystérieuses.


– Comment cela ?


– Oui, la dame, comme la célèbre Bradamante dont j’ai vingt fois chanté l’histoire à Votre Altesse, la dame se cache sous des habits d’homme.


– Oh ! monseigneur, dit l’enseigne, je vous en supplie ; M.

Henri m’a paru avoir de grands respects pour cette dame, et, selon toute probabilité, en voudrait-il aux indiscrets.


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– Sans doute, sans doute, monsieur l’enseigne ; nous serons muet comme des sépulcres, soyez tranquille ; muet comme le pauvre Saint-Aignan ; seulement, si nous voyons la dame, nous tâcherons de ne pas lui faire de grimaces. Ah !

Henri a une parente avec lui, comme cela tout au milieu des gendarmes ? et où est-elle, Aurilly, cette parente ?


– Là-haut.


– Comment ! là-haut, dans cette maison-ci ?


– Oui, monseigneur ; mais, chut ! voici M. du Bouchage.


– Chut ! répéta le prince en riant aux éclats.


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LXXV

Un des souvenirs du duc d’Anjou


Le jeune homme, en rentrant, put entendre le funeste éclat de rire du prince ; mais il n’avait point assez vécu auprès de Son Altesse pour connaître toutes les menaces renfermées dans une manifestation joyeuse du duc d’Anjou.


Il eût pu s’apercevoir aussi, au trouble de quelques physionomies, qu’une conversation hostile avait été tenue par le duc en son absence et interrompue par son retour.