Les Quarante-Cinq. Tome III | страница 31
Remy répondit par un soupir au soupir de sa maîtresse, et ils continuèrent leur route sans autre bruit que celui du pas des chevaux sur le chemin sonore.
Deux heures se passèrent ainsi.
Au moment où nos voyageurs allaient entrer dans Vilvorde, Remy tourna la tête.
Il venait d’entendre le galop d’un cheval au tournant du chemin.
Il s’arrêta, écouta, mais ne vit rien.
Ses yeux, cherchèrent inutilement à percer la profondeur de la nuit, mais comme aucun bruit ne troublait son silence solennel, il entra dans le bourg avec sa compagne.
– Madame, lui dit-il, le jour va bientôt venir ; si vous m’en croyez, nous nous arrêterons ici ; les chevaux sont las, et vous avez besoin de repos.
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– Remy, dit la dame, vous voulez inutilement me cacher ce que vous éprouvez. Remy, vous êtes inquiet.
– Oui, de votre santé, madame ; croyez-moi, une femme ne saurait supporter de pareilles fatigues, et c’est à peine si moi-même…
– Faites comme il vous plaira, Remy, répondit la dame.
– Eh bien ! alors, entrez dans cette ruelle à l’extrémité de laquelle j’aperçois une lanterne qui se meurt ; c’est le signe auquel on reconnaît les hôtelleries : hâtez-vous, je vous prie.
– Vous avez donc entendu quelque chose ?
– Oui, comme le pas d’un cheval. Il est vrai que je crois m’être trompé ; mais, en tout cas, je reste un instant en arrière pour m’assurer de la réalité ou de la fausseté de mes doutes.
La dame, sans répliquer, sans essayer de détourner Remy de son intention, toucha les flancs de son cheval, qui pénétra dans la ruelle longue et tortueuse.
Remy la laissa passer devant, mit pied à terre et lâcha la bride à son cheval, qui suivit naturellement celui de sa compagne.
Quant à lui, courbé derrière une borne gigantesque, il attendit.
La dame heurta au seuil de l’hôtellerie derrière la porte de laquelle, suivant la coutume hospitalière des Flandres, veillait ou plutôt dormait une servante aux larges épaules et aux bras robustes.
La fille avait déjà entendu le pas du cheval claquer sur le pavé de la ruelle, et, réveillée sans humeur, elle vint ouvrir la
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porte et recevoir dans ses bras le voyageur ou plutôt la voyageuse.
Puis elle ouvrit aux deux chevaux la large porte cintrée dans laquelle ils se précipitèrent, en reconnaissant une écurie.
– J’attends mon compagnon, dit la dame, laissez-moi m’asseoir près du feu en l’attendant : je ne me coucherai point qu’il ne soit arrivé.