Les Quarante-Cinq. Tome III | страница 126




– Volontiers ; mais, à votre tour, vous me direz, n’est-ce pas, pourquoi vous étiez déguisé en moine ? confidence pour confidence.


– Tope ! dit Borromée.


– Touchez là, dit Chicot, et il tendit sa main au capitaine.


Celui-ci frappa d’aplomb dans la main de Chicot.


– À mon tour, dit Chicot.


Et il frappa à côté de la main de Borromée.


– Bien ! dit Borromée.


– Vous voulez donc savoir pourquoi j’étais déguisé en bourgeois ? demanda Chicot d’une langue qui allait s’épaississant de plus en plus.


– Oui, cela m’intrigue.


– Et vous me direz à votre tour ?


– Parole d’honneur.


– Foi de capitaine ; d’ailleurs n’est-ce pas chose convenue ?


– C’est vrai, je l’avais oublié. Eh bien ! c’est tout simple.


– Dites alors.


– Et en deux mots vous serez au courant.


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– J’écoute.


– J’espionnais pour le roi.


– Comment, vous espionniez.


– Oui.


– Vous êtes donc espion par état ?


– Non, en amateur.


– Qu’espionniez-vous chez dom Modeste ?


– Tout. J’espionnais dom Modeste d’abord, puis frère Borromée ensuite, puis le petit Jacques, puis tout le couvent.


– Et qu’avez-vous découvert, mon digne ami ?


– J’ai d’abord découvert que dom Modeste était une grosse bête.


– Il ne faut pas être fort habile pour cela.


– Pardon, pardon, car Sa Majesté Henri III, qui n’est pas un niais, le regarde comme la lumière de l’Église, et compte en faire un évêque.


– Soit, je n’ai rien à dire contre cette promotion, au contraire ; je rirai bien ce jour-là ; et qu’avez-vous découvert encore ?


– J’ai découvert que certain frère Borromée n’était pas un moine, mais un capitaine.


– Ah ! vraiment ! vous avez découvert cela ?


– Du premier coup.

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– Après ?


– J’ai découvert que le petit Jacques s’exerçait avec le fleuret, en attendant qu’il s’escrimât avec l’épée, et qu’il s’exerçait sur une cible, en attendant qu’il s’exerçât sur un homme.


– Ah ! tu as découvert cela ! dit Borromée, en fronçant le sourcil, et, après, qu’as-tu découvert encore ?


– Oh ! donne-moi à boire, ou sans cela je ne me souviendrai plus de rien.


– Tu remarqueras que tu entames la sixième bouteille, dit Borromée en riant.


– Aussi je me grise, dit Chicot, je ne prétends pas le contraire ; sommes-nous donc venus ici pour faire de la philosophie ?


– Non, nous sommes venus ici pour boire.


– Buvons donc !


Et Chicot remplit son verre.


– Eh bien ! demanda Borromée lorsqu’il eut fait raison à Chicot, te souviens-tu ?


– De quoi ?


– De ce que tu as vu encore dans le couvent ?