Les Quarante-Cinq. Tome III | страница 106
– Remonte, mais dis vite.
– Tu avais écrit une lettre au féroce Béarnais ?
– Comment sais-tu cela ?
– Parbleu ! je l’ai lue.
– Qu’en dis-tu ?
– Que si ce n’était pas délicat de procédé, c’était au moins astucieux de langage.
– Elle devait les brouiller.
– Oui, si Henri et Margot eussent été des conjoints ordinaires, des époux bourgeois.
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– Que veux-tu dire ?
– Je veux dire que le Béarnais n’est point une bête.
– Oh !
– Et qu’il a deviné.
– Deviné quoi ?
– Que tu voulais le brouiller avec sa femme.
– C’était clair, cela.
– Oui, mais ce qui l’était moins, c’était le but dans lequel tu voulais les brouiller.
– Ah ! diable ! le but.
– Oui, ce damné Béarnais ne s’est-il pas avisé de croire que tu n’avais d’autre but, en le brouillant avec sa femme, que de ne pas payer à ta sœur la dot que tu lui dois !
– Ouais !
– Mon Dieu, oui, voilà ce que ce Béarnais du diable s’est logé dans l’esprit.
– Continue, Chicot, continue, dit le roi devenu sombre ; après ?
– Eh bien ! à peine eut-il deviné cela qu’il devint ce que tu es en ce moment, triste et mélancolique.
– Après, Chicot, après ?
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– Alors, cela l’a distrait de sa distraction, et il n’a presque plus aimé Fosseuse.
– Bah !
– C’est comme je te le dis ; alors il a été pris de cet autre amour dont je te parlais.
– Mais c’est donc un Persan que cet homme, c’est donc un païen, un Turc ? il pratique donc la polygamie ? Et qu’a dit Margot ?
– Cette fois, mon fils, cela va t’étonner, mais Margot a été ravie.
– Du désastre de Fosseuse, je conçois cela.
– Non pas, non pas, enchantée pour son propre compte.
– Elle prend donc goût à l’état de sage-femme ?
– Ah ! cette fois elle ne sera pas sage-femme.
– Que sera-t-elle donc ?
– Elle sera marraine, son mari le lui a promis et les dragées sont même répandues à l’heure qu’il est.
– Dans tous les cas, ce n’est point avec son apanage qu’il les a achetées.
– Tu crois cela, mon roi ?
– Sans doute, puisque je lui refuse cet apanage. Mais quel est le nom de la nouvelle maîtresse ?
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– Oh ! c’est une belle et forte personne, qui porte une ceinture magnifique, et qui est fort capable de se défendre si on l’attaque.
– Et s’est-elle défendue ?
– Pardieu !
– De sorte que Henri a été repoussé avec perte ?
– D’abord.
– Ah ! ah ! et ensuite ?
– Henri est entêté ; il est revenu à la charge.
– De sorte ?
– De sorte qu’il l’a prise.
– Comment cela ?
– De force.
– De force !
– Oui, avec des pétards.
– Que diable me dis-tu donc là, Chicot ?