Les Quarante-Cinq. Tome III | страница 104




– Tu trouves ?


– Oui, savant, modeste, rusé, brave ; on fera de lui tout ce qu’on voudra, un ministre, un général d’armée, un pape.


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– Là, là ! sire, arrêtez-vous, dit Chicot : si le brave homme vous entendait, il crèverait dans sa peau, car il est fort orgueilleux, quoi que tu en dises, le prieur dom Modeste.


– Tu es jaloux, Chicot !


– Moi, Dieu m’en garde : la jalousie ! fi, la vilaine passion.


– Oh ! c’est que je suis juste, moi, la noblesse du sang ne m’aveugle point, stemmata quid faciunt ?


– Bravo ! Et tu disais donc, mon roi, que tu avais failli être assassiné ?


– Oui.


– Par qui ?


– Par la Ligue, mordieu !


– Comment se porte-t-elle, la Ligue ?


– Toujours de même.


– Ce qui veut dire de mieux en mieux ; elle engraisse, Henriquet, elle engraisse.


– Oh ! oh ! les corps politiques ne vivent point, qui s’engraissent trop jeunes ; c’est comme les enfants, Chicot.


– Ainsi, tu es content, mon fils ?


– À peu près.


– Tu te trouves en paradis ?


– Oui, Chicot, et ce m’est une grande joie de te voir arriver au milieu de ma joie, et j’y entrevois un surcroît de joie.

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Habemus consulem facetum, comme disait Caton.


– Tu apportes de bonnes nouvelles, n’est-ce pas, mon enfant ?


– Je crois bien.


– Et tu me fais languir, friand que tu es.


– Par où veux-tu que je commence, mon roi ?


– Je te l’ai déjà dit, par le commencement ; mais tu divagues toujours.


– Dois-je prendre à partir de mon départ ?


– Non, le voyage a été excellent, tu me l’as dit, n’est-ce pas ?


– Tu vois bien que je reviens entier, ce me semble.


– Oui, voyons donc l’arrivée en Navarre.


– J’y suis.


– Que faisait Henri, quand tu es arrivé ?


– L’amour.


– Avec Margot ?


– Oh ! non.


– Cela m’eût étonné ; il est donc toujours infidèle à sa femme ? le scélérat ; infidèle à une fille de France !

Heureusement qu’elle le lui rend. Et lorsque tu es arrivé, quel était le nom de la rivale de Margot ?

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– Fosseuse.


– Une Montmorency ! Allons, ce n’est pas mal pour cet ours du Béarn. On parlait ici d’une paysanne, d’une jardinière, d’une bourgeoise.


– Oh ! c’est vieux tout cela.


– Ainsi, Margot est trompée ?


– Autant que femme peut l’être.


– Et elle est furieuse ?


– Enragée.


– Et elle se venge ?


– Je le crois bien.


Henri se frotta les mains avec une joie sans pareille.


– Que va-t-elle faire ? s’écria t-il en riant ; va-t-elle remuer ciel et terre, jeter Espagne sur Navarre, Artois et Flandre sur Espagne ? va-t-elle un peu appeler son petit frère Henriquet contre son petit mari Henriot, hein ?