Les Quarante-cinq. Tome I | страница 59




– Monsieur, dit Eustache en montrant Militor.

– 117 –


– Alors, monsieur, répondit Carmainges en appuyant ironiquement sur la qualification, alors monsieur est un étourneau.


– Oh ! oh ! fit Militor furieux.


– Et je l’engage, continua Carmainges, à ne point venir donner du bec sur moi, ou sinon je me rappellerai les conseils de M. de Loignac.


– M. de Loignac n’a point dit que je fusse un étourneau, monsieur.


– Non, il a dit que vous étiez un âne : préférez-vous cela ?

Bien peu m’importe à moi ; si vous êtes un âne, je vous sanglerai ; si vous êtes un étourneau, je vous plumerai.


– Monsieur, dit Eustache, c’est mon beau-fils ; traitez-le mieux, je vous prie, par égard pour moi.


– Ah ! voilà comme vous me défendez, beau-papa ! s’écria Militor exaspéré ; s’il en est ainsi, je me défendrai mieux tout seul.


– À l’école, les enfants ! dit Ernauton, à l’école !


– À l’école ! s’écria Militor en s’avançant, le poing levé, sur M. de Carmainges ; j’ai dix-sept ans, entendez-vous, monsieur ?


– Et moi, j’en ai vingt-cinq, dit Ernauton ; voilà pourquoi je vais vous corriger selon vos mérites.


Et le saisissant par le collet et par la ceinture, il le souleva de terre et le jeta, comme il eût fait d’un paquet, par la fenêtre du rez-de-chaussée, dans la rue, et cela tandis que Lardille poussait des cris à faire crouler les murs.


– 118 –


– Maintenant, ajouta tranquillement Ernauton, beau-père, belle-mère, beau-fils et toutes les familles du monde, j’en fais de la chair à pâté, si l’on veut me déranger encore.


– Ma foi, dit Miradoux, je trouve qu’il a raison, moi : pourquoi l’agacer, ce gentilhomme ?


– Ah ! lâche ! lâche ! qui laisse battre son fils ! s’écria Lardille en s’avançant vers Eustache et en secouant ses cheveux épars.


– Là, là, là, fit Eustache, du calme, cela lui fera le caractère.


– Ah ça ! dites donc, on jette donc des hommes par la fenêtre ici ? dit un officier en entrant : que diable ! quand on se livre à ces sortes de plaisanteries, on devrait crier au moins : Gare là-dessous !


– Monsieur de Loignac ! s’écrièrent une vingtaine de voix.


– Monsieur de Loignac ! répétèrent les quarante-cinq.


Et à ce nom, connu par toute la Gascogne, chacun se leva et se tut.

– 119 –


IX

M. de Loignac


Derrière M. de Loignac entra à son tour Militor, moulu de sa chute et cramoisi de colère.


– Serviteur, messieurs, dit Loignac ; nous menons grand bruit, ce me semble. – Ah ! ah ! maître Militor a encore fait le hargneux, à ce qu’il paraît, et son nez en souffre.