Les Quarante-cinq. Tome I | страница 36
– Arrêtez ! arrêtez ! cria Catherine.
Il était trop tard. La tête de Salcède, naguère raidie par la souffrance et la fureur, retomba tout à coup sur le plancher de l’échafaud.
– Laissez-le parler, vociféra la reine-mère. Arrêtez, mais arrêtez donc !
L’œil de Salcède était démesurément dilaté, fixe, et plongeant obstinément dans le groupe où était apparu le page.
Tanchon en suivait habilement la direction.
Mais Salcède ne pouvait plus parler, il était mort.
Tanchon donna tout bas quelques ordres à ses archers, qui se mirent à fouiller la foule dans la direction indiquée par les regards dénonciateurs de Salcède.
– Je suis découverte, dit le jeune page à l’oreille d’Ernauton ; par pitié, aidez-moi, secourez-moi, monsieur ; ils viennent ! ils viennent !
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– Mais que voulez-vous donc encore ?
– Fuir : ne voyez-vous point que c’est moi qu’ils cherchent ?
– Mais qui êtes-vous donc ?
– Une femme… sauvez-moi ! protégez-moi !
Ernauton pâlit, mais la générosité l’emporta sur l’étonnement et la crainte.
Il plaça devant lui sa protégée, lui fraya un chemin à grands coups de pommeau de dague et la poussa jusqu’au coin de la rue du Mouton, vers une porte ouverte.
Le jeune page s’élança et disparut dans cette porte qui semblait l’attendre et qui se referma derrière lui.
Il n’avait pas même eu le temps de lui demander son nom ni où il le retrouverait.
Mais en disparaissant, le jeune page, comme s’il eût deviné sa pensée, lui avait fait un signe plein de promesses.
Libre alors, Ernauton se retourna vers le centre de la place, et embrassa d’un même coup d’œil l’échafaud et la loge royale.
Salcède était étendu raide et livide sur l’échafaud.
Catherine était debout, livide et frémissante dans la loge.
– Mon fils, dit-elle enfin en essuyant la sueur de son front, mon fils, vous ferez bien de changer votre maître des hautes œuvres, c’est un ligueur !
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– Et à quoi donc voyez-vous cela, ma mère ? demanda Henri.
– Regardez, regardez !
– Eh bien ! je regarde.
– Salcède n’a souffert qu’une tirade, et il est mort.
– Parce qu’il était trop sensible à la douleur.
– Non pas ! non pas ! fit Catherine avec un sourire de mépris arraché par le peu de perspicacité de son fils, mais parce qu’il a été étranglé par dessous l’échafaud avec une corde fine, au moment où il allait accuser ceux qui le laissent mourir. Faites visiter le cadavre par un savant docteur, et vous trouverez, j’en suis sûre, autour de son cou le cercle que la corde y aura laissé.