Les Quarante-cinq. Tome I | страница 10




– M. de Guise, reprit sèchement le cavalier, n’eût point été retenu par cette considération, j’en suis sûr, et, du moment où il n’a ni réclamé ni défendu Salcède, c’est que Salcède n’est point à lui.


– Cependant, excusez si j’insiste, continua Briquet ; mais ce n’est pas moi qui invente ; il paraît certain que Salcède a parlé.


– Où cela ? devant les juges ?


– Non, pas devant les juges, monsieur, à la torture.


– N’est-ce donc pas la même chose ? demanda maître Robert Briquet, d’un air qu’il essayait inutilement de rendre naïf.

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– Non, certes, ce n’est pas la même chose, il s’en faut : d’ailleurs on prétend qu’il a parlé soit ; mais on ne répète point ce qu’il a dit.


– Vous m’excuserez encore, monsieur, reprit Robert Briquet : on le répète et très longuement même.


– Et qu’a-t-il dit ? voyons ! demanda avec impatience le cavalier ; parlez, vous qui êtes si bien instruit.


– Je ne me vante pas d’être bien instruit, monsieur, puisque je cherche au contraire à m’instruire près de vous, répondit Briquet.


– Voyons ! entendons-nous ! dit le cavalier avec impatience ; vous avez prétendu qu’on répétait les paroles de Salcède ; ses paroles, quelles sont-elles ? dites.


– Je ne puis répondre, monsieur, que ce soient ses propres paroles, dit Robert Briquet qui paraissait prendre plaisir à pousser le cavalier.


– Mais enfin, quelles sont celles qu’on lui prête ?


– On prétend qu’il a avoué qu’il conspirait pour M. de Guise.


– Contre le roi de France sans doute ? toujours même chanson !


– Non pas contre Sa Majesté le roi de France, mais bien contre Son Altesse monseigneur le duc d’Anjou.


– S’il a avoué cela…


– Eh bien ? demanda Robert Briquet.


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– Eh bien ! c’est un misérable, dit le cavalier en fronçant le sourcil.


– Oui, dit tout bas Robert Briquet ; mais s’il a fait ce qu’il a avoué, c’est un brave homme. Ah ! monsieur, les brodequins, l’estrapade et le coquemar font dire bien des choses aux honnêtes gens.


– Hélas ! vous dites là une grande vérité, monsieur, dit le cavalier en se radoucissant et en poussant un soupir.


– Bah ! interrompit le Gascon qui, en allongeant la tête dans la direction de chaque interlocuteur, avait tout entendu, bah ! brodequins, estrapade, coquemar, belle misère que tout cela ! Si ce Salcède a parlé, c’est un coquin, et son patron un autre.


– Oh ! oh ! fit le cavalier ne pouvant réprimer un soubresaut d’impatience, – vous chantez bien haut, monsieur le Gascon.