Les Quarante-cinq. Tome I | страница 9




– N’est-ce pas honteux, monsieur, qu’on ferme une porte de ville en plein jour, comme si les Espagnols ou les Anglais assiégeaient Paris ?


Robert Briquet regarda avec attention celui qui lui adressait la parole et qui était un homme de quarante à quarante-cinq ans.

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Cet homme, en outre, paraissait être le chef de trois ou quatre autres cavaliers qui l’entouraient.


Cet examen donna sans doute confiance à Robert Briquet, car aussitôt il s’inclina à son tour et répondit :


– Ah ! monsieur, vous avez raison, dix fois raison, vingt fois raison ; mais, ajouta-t-il, sans être trop curieux, oserais-je vous demander quel motif vous soupçonnez à cette mesure ?


– Pardieu ! dit un assistant, la crainte qu’ils ont qu’on ne leur mange leur Salcède.


– Cap de Bious ! dit une voix, triste mangeaille.


Robert Briquet se retourna du côté où venait cette voix dont l’accent lui indiquait un Gascon renforcé, et il aperçut un jeune homme de vingt ou vingt-cinq ans, qui appuyait sa main sur la croupe du cheval de celui qui lui avait paru le chef des autres.


Le jeune homme était nu-tête ; sans doute il avait perdu son chapeau dans la bagarre.


Maître Briquet paraissait un observateur ; mais, en général, ses observations étaient courtes ; aussi détourna-t-il rapidement son regard du Gascon, qui sans doute lui parut sans importance, pour le ramener sur le cavalier.


– Mais, dit-il, puisqu’on annonce que ce Salcède appartient à M. de Guise, ce n’est déjà point un si mauvais ragoût.


– Bah ! on dit cela ? reprit le Gascon curieux ouvrant de grandes oreilles.


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– Oui, sans doute, on dit cela, on dit cela, répondit le cavalier en haussant les épaules ; mais, par le temps qui court, on dit tant de sornettes.


– Ah ! ainsi, hasarda Briquet avec son œil interrogateur et son sourire narquois, ainsi, vous croyez, monsieur, que Salcède n’est point à M. de Guise ?


– Non seulement je le crois, mais j’en suis sûr, répondit le cavalier. Puis comme il vit que Robert Briquet, en se rapprochant de lui, faisait un mouvement qui voulait dire : Ah bah ! et sur quoi appuyez-vous cette certitude ? il continua :


– Sans doute, si Salcède eût été au duc, le duc ne l’eût pas laissé prendre, ou tout au moins ne l’eût pas laissé amener ainsi de Bruxelles à Paris, pieds et poings liés, sans faire au moins en sa faveur une tentative d’enlèvement.


– Une tentative d’enlèvement, reprit Briquet, c’était bien hasardeux ; car enfin, qu’elle réussît ou qu’elle échouât, du moment où elle venait de la part de M. de Guise, M. de Guise avouait qu’il avait conspiré contre le duc d’Anjou.