Le vicomte de Bragelonne. Tome III | страница 33
– Sire, interrompit La Vallière, voilà l’eau qui tombe, et Votre Majesté demeure tête nue.
– Je vous en prie, ne nous occupons que de vous, mademoiselle.
– Oh ! moi, dit La Vallière en souriant, moi, je suis une paysanne habituée à courir par les prés de la Loire, et par les jardins de Blois, quelque temps qu’il fasse. Et, quant à mes habits, ajouta-telle en regardant sa simple toilette de mousseline, Votre Majesté voit qu’ils n’ont pas grand-chose à risquer.
– En effet, mademoiselle, j’ai déjà remarqué plus d’une fois que vous deviez à peu près tout à vous-même et rien à la toilette. Vous n’êtes point coquette, et c’est pour moi une grande qualité.
– Sire, ne me faites pas meilleure que je ne suis, et dites seulement : Vous ne pouvez pas être coquette.
– Pourquoi cela ?
– Mais, dit en souriant La Vallière, parce que je ne suis pas riche.
– Alors vous avouez que vous aimez les belles choses s’écria vivement le roi.
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– Sire, je ne trouve belles que les choses auxquelles je puis atteindre. Tout ce qui est trop haut pour moi…
– Vous est indifférent ?
– M’est étranger comme m’étant défendu.
– Et moi, mademoiselle, dit le roi, je ne trouve point que vous soyez à ma Cour sur le pied où vous devriez y être. On ne m’a certainement point assez parlé des services de votre famille. La fortune de votre maison a été cruellement négligée par mon oncle.
– Oh ! non pas, Sire. Son Altesse Royale Mgr le duc d’Orléans a toujours été parfaitement bon pour M. de Saint-Remy, mon beau-père. Les services étaient humbles, et l’on peut dire que nous avons été payés selon nos œuvres. Tout le monde n’a pas le bonheur de trouver des occasions de servir son roi avec éclat. Certes, je ne doute pas que, si les occasions se fussent rencontrées, ma famille n’eût eu le cœur aussi grand que son désir, mais nous n’avons pas eu ce bonheur.
– Eh bien ! mademoiselle, c’est aux rois à corriger le hasard, et je me charge bien joyeusement de réparer, au plus vite à votre égard, les torts de la fortune.
– Non, Sire, s’écria vivement La Vallière, vous laisserez, s’il vous plaît, les choses en l’état où elles sont.
– Quoi ! mademoiselle, vous refusez ce que je dois, ce que je veux faire pour vous ?
– On a fait tout ce que je désirais, Sire, lorsqu’on m’a accordé cet honneur de faire partie de la maison de Madame.
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– Mais, si vous refusez pour vous, acceptez au moins pour les vôtres.
– Sire, votre intention si généreuse m’éblouit et m’effraie, car, en faisant pour ma maison ce que votre bonté vous pousse à faire, Votre Majesté nous créera des envieux, et à elle des ennemis.