Le vicomte de Bragelonne. Tome I | страница 18




– Monsieur le vicomte, dit Louise avec sa grâce sérieuse et son candide sourire, j'ai l'honneur de vous présenter Mlle Aure de Montalais, jeune fille d'honneur de Son Altesse Royale Madame, et de plus mon amie, mon excellente amie.


Raoul salua cérémonieusement.


– Et moi ! Louise, dit-il, ne me présentez-vous pas aussi à Mademoiselle ?


– Oh ! elle vous connaît ! elle connaît tout !


Ce mot naïf fit rire Montalais et soupirer de bonheur Raoul, qui l'avait interprété ainsi : Elle connaît tout notre amour.


– Les politesses sont faites, monsieur le vicomte, dit Montalais ; voici un fauteuil, et dites-nous bien vite la nouvelle que vous nous apportez ainsi courant.


– Mademoiselle, ce n'est plus un secret. Le roi, se rendant à Poitiers, s'arrête à Blois pour visiter Son Altesse Royale.


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– Le roi ici ! s'écria Montalais en frappant ses mains l'une contre l'autre ; nous allons voir la cour ! Concevez-vous cela, Louise ? la vraie cour de Paris ! Oh ! mon Dieu ! Mais quand cela, monsieur ?


– Peut-être ce soir, mademoiselle ; assurément demain.


Montalais fit un geste de dépit.


– Pas le temps de s'ajuster ! pas le temps de préparer une robe !

Nous sommes ici en retard comme des Polonaises ! Nous allons ressembler à des portraits du temps de Henri IV !… Ah ! monsieur, la méchante nouvelle que vous nous apportez là !


– Mesdemoiselles, vous serez toujours belles.


– C'est fade !… nous serons toujours belles, oui, parce que la nature nous a faites passables ; mais nous serons ridicules, parce que la mode nous aura oubliées… Hélas ! ridicules ! on me verra ridicule, moi ?


– Qui cela ? dit naïvement Louise.


– Qui cela ? vous êtes étrange, ma chère !… Est-ce une question à m'adresser ? On, veut dire tout le monde ; on, veut dire les courtisans, les seigneurs ; on, veut dire le roi.


– Pardon, ma bonne amie, mais comme ici tout le monde a l'habitude de nous voir telles que nous sommes…


– D'accord ; mais cela va changer, et nous serons ridicules, même pour Blois ; car près de nous on va voir les modes de Paris, et l’on comprendra que nous sommes à la mode de Blois ! C'est désespérant !


– Consolez-vous, mademoiselle.

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– Ah bast ! au fait, tant pis pour ceux qui ne me trouveront pas à leur goût ! dit philosophiquement Montalais.


– Ceux-là seraient bien difficiles, répliqua Raoul fidèle à son système de galanterie régulière.


– Merci, monsieur le vicomte. Nous disions donc que le roi vient à Blois ?