Le vicomte de Bragelonne. Tome I | страница 19
– Avec toute la cour.
– Mlles de Mancini y seront-elles ?
– Non pas, justement.
– Mais puisque le roi, dit-on, ne peut se passer de Mlle Marie ?
– Mademoiselle, il faudra bien que le roi s'en passe. M. le cardinal le veut. Il exile ses nièces à Brouage.
– Lui ! l'hypocrite !
– Chut ! dit Louise en collant son doigt sur ses lèvres roses.
– Bah ! personne ne peut m'entendre. Je dis que le vieux Mazarino Mazarini est un hypocrite qui grille de faire sa nièce reine de France.
– Mais non, mademoiselle, puisque M. le cardinal, au contraire, fait épouser à Sa Majesté l'infante Marie-Thérèse.
Montalais regarda en face Raoul et lui dit :
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– Vous croyez à ces contes, vous autres Parisiens ? Allons, nous sommes plus forts que vous à Blois.
– Mademoiselle, si le roi dépasse Poitiers et part pour l'Espagne, si les articles du contrat de mariage sont arrêtés entre don Luis de Haro et Son Éminence, vous entendez bien que ce ne sont plus des jeux d'enfant.
– Ah çà ! mais, le roi est le roi, je suppose ?
– Sans doute, mademoiselle, mais le cardinal est le cardinal.
– Ce n'est donc pas un homme, que le roi ? Il n'aime donc pas Marie de Mancini ?
– Il l'adore.
– Eh bien ! il l'épousera ; nous aurons la guerre avec l'Espagne ; M. Mazarin dépensera quelques-uns des millions qu'il a de côté ; nos gentilshommes feront des prouesses à l'encontre des fiers Castillans, et beaucoup nous reviendront couronnés de lauriers, et que nous couronnerons de myrte. Voilà comme j'entends la politique.
– Montalais, vous êtes une folle, dit Louise, et chaque exagération vous attire, comme le feu attire les papillons.
– Louise, vous êtes tellement raisonnable que vous n'aimerez jamais.
– Oh ! fit Louise avec un tendre reproche, comprenez donc, Montalais ! La reine mère désire marier son fils avec l'infante ; voulez vous que le roi désobéisse à sa mère ? Est-il d'un cœur royal comme le sien de donner le mauvais exemple ? Quand les parents défendent l'amour, chassons l'amour !
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Et Louise soupira ; Raoul baissa les yeux d'un air contraint.
Montalais se mit à rire.
– Moi, je n'ai pas de parents, dit-elle.
– Vous savez sans doute des nouvelles de la santé de M. le comte de La Fère, dit Louise à la suite de ce soupir, qui avait tant révélé de douleurs dans son éloquente expansion.
– Non, mademoiselle, répliqua Raoul, je n'ai pas encore rendu visite à mon père ; mais j'allais à sa maison, quand Mlle de Montalais a bien voulu m'arrêter ; j'espère que M. le comte se porte bien. Vous n'avez rien ouï dire de fâcheux, n'est-ce pas ?