Le vicomte de Bragelonne. Tome I | страница 17
– On monterait ainsi jusqu'au donjon du château sans s'apercevoir de la fatigue, dit Raoul.
– Ce qui signifie, monsieur, que vous êtes fort intrigué, fort las et fort inquiet ; mais rassurez-vous, nous voici arrivés.
La jeune fille poussa une porte qui, sur-le-champ, sans transition aucune, emplit d'un flot de lumière le palier de l'escalier
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au haut duquel Raoul apparaissait, tenant la rampe. La jeune fille marchait toujours, il la suivit ; elle entra dans une chambre, Raoul entra comme elle. Aussitôt qu'il fut dans le piège, il entendit pousser un grand cri, se retourna, et vit à deux pas de lui, les mains jointes, les yeux fermés, cette belle jeune fille blonde, aux prunelles bleues, aux blanches épaules, qui, le reconnaissant, l'avait appelé Raoul.
Il la vit et devina tant d'amour, tant de bonheur dans l'expression de ses yeux, qu'il se laissa tomber à genoux tout au milieu de la chambre, en murmurant de son côté le nom de Louise.
– Ah ! Montalais ! Montalais ! soupira celle-ci, c'est un grand péché que de tromper ainsi.
– Moi ! Je vous ai trompée ?
– Oui, vous me dites que vous allez savoir en bas des nouvelles, et vous faites monter ici Monsieur.
– Il le fallait bien. Comment eût-il reçu sans cela la lettre que vous lui écriviez ?
Et elle désignait du doigt cette lettre qui était encore sur la table. Raoul fit un pas pour la prendre ; Louise, plus rapide, bien qu'elle se fût élancée avec une hésitation classique assez remarquable, allongea la main pour l'arrêter. Raoul rencontra donc cette main toute tiède et toute tremblante ; il la prit dans les siennes et l'approcha si respectueusement de ses lèvres, qu'il y déposa un souffle plutôt qu'un baiser.
Pendant ce temps, Mlle de Montalais avait pris la lettre, l'avait pliée soigneusement, comme font les femmes, en trois plis, et l'avait glissée dans sa poitrine.
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– N'ayez pas peur, Louise, dit-elle ; Monsieur n'ira pas plus la prendre ici, que le défunt roi Louis XIII ne prenait les billets dans le corsage de Mlle de Hautefort.
Raoul rougit en voyant le sourire des deux jeunes filles, et il ne remarqua pas que la main de Louise était restée entre les siennes.
– Là ! dit Montalais, vous m'avez pardonné, Louise, de vous avoir amené Monsieur ; vous, monsieur, ne m'en voulez plus de m'avoir suivie pour voir Mademoiselle. Donc, maintenant que la paix est faite, causons comme de vieux amis. Présentez-moi, Louise, à M. de Bragelonne.