Le vicomte de Bragelonne. Tome I | страница 14




– Et ma belle-sœur ?


– Sa Majesté la reine mère souffre toujours de la poitrine.

Toutefois, depuis un mois, il y a du mieux.


– Que me disait-on, que vous veniez de la part de M. le prince ?

On se trompait assurément.


– Non, monseigneur. M. le prince m'a chargé de remettre à Votre Altesse Royale une lettre que voici, et j'en attends la réponse.


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Raoul avait été un peu ému de ce froid et méticuleux accueil ; sa voix était tombée insensiblement au diapason de la voix basse. Le prince oublia qu'il était cause de ce mystère, et la peur le reprit.


Il reçut avec un coup d'œil hagard la lettre du prince de Condé, la décacheta comme il eût décacheté un paquet suspect, et, pour la lire sans que personne pût en remarquer l'effet produit sur sa physionomie, il se retourna.


Madame suivait avec une anxiété presque égale à celle du prince chacune des manœuvres de son auguste époux. Raoul, impassible, et un peu dégagé par l'attention de ses hôtes, regardait de sa place et par la fenêtre ouverte devant lui les jardins et les statues qui les peuplaient.


– Ah ! mais, s'écria tout à coup Monsieur avec un sourire rayonnant, voilà une agréable surprise et une charmante lettre de M. le prince ! Tenez, madame.


La table était trop large pour que le bras du prince joignît la main de la princesse ; Raoul s'empressa d'être leur intermédiaire ; il le fit avec une bonne grâce qui charma la princesse et valut un remerciement flatteur au vicomte.


– Vous savez le contenu de cette lettre, sans doute ? dit Gaston à Raoul.


– Oui, monseigneur : M. le prince m'avait donné d'abord le message verbalement, puis Son Altesse a réfléchi et pris la plume.


– C'est d'une belle écriture, dit Madame, mais je ne puis lire.


– Voulez-vous lire à Madame, monsieur de Bragelonne, dit le duc.


– Oui, lisez, je vous prie, monsieur.

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Raoul commença la lecture à laquelle Monsieur donna de nouveau toute son attention.


La lettre était conçue en ces termes :


« Monseigneur, Le roi part pour la frontière ; vous aurez appris que le mariage de Sa Majesté va se conclure ; le roi m'a fait l'honneur de me nommer maréchal des logis pour ce voyage, et comme je sais toute la joie que Sa Majesté aurait de passer une journée à Blois, j'ose demander à Votre Altesse Royale la permission de marquer de ma craie le château qu'elle habite.


Si cependant l'imprévu de cette demande pouvait causer à Votre Altesse Royale quelque embarras, je la supplierai de me le mander par le messager que j'envoie, et qui est un gentilhomme à moi, M. le vicomte de Bragelonne. Mon itinéraire dépendra de la résolution de Votre Altesse Royale, et au lieu de prendre par Blois, j'indiquerai Vendôme ou Romorantin. J'ose espérer que Votre Altesse Royale prendra ma demande en bonne part, comme étant l'expression de mon dévouement sans bornes et de mon désir de lui être agréable. »