Переписка 1815-1825 | страница 63
Risnitch a repris les rênes du gouvernement du Théâtre, les actrices n'obéissent plus qu'à sa voix, quel dommage que vous n'y soyez plus. Zavalievsky continue à faire le bonheur de ses amis et connaissances, maintenant il a une nouvelle prétention, c'est celle de littérateur: il a fait le voyage de la Côte Méridionale de la Crimée à cheval, le Mérite des femmes à la main, se récriant à chaque pas tantôt sur les beautés de la poésie, tantôt sur celles de la nature le tout en mauvais français à la portée de la belle compatriote seulement et de votre carricature qui parfois même trouvait du mauvais goût dans son enthousiasme, il a fini par tomber de cheval au milieu de ses rêveries poétiques. — Je remets à une autre lettre le plaisir de vous parler des faits et gestes de nos belles compatriotes, présentement je vous parlerai de Tatiana. — Elle a pris une vive part à votre malheur, elle me charge de vous le dire, c'est de son aveu que je vous l'écris, son âme douce et bonne n'a vu dans le moment que l'injustice dont vous étiez la victime, elle me l'a exprimé avec la sensibilité et la grâce du caractère de Tatiana. — Sa charmante fille même se rappelle de vous, elle me parle souvent du fol Mr Pouchkin et de la canne à tête de chien que vous lui avez donné. — J'attends tous les jours une petite image avec les deux premiers vers que vous avez fait pour elle. —
Mon cher ami, de grâce ne vous laissez point aller au découragement, prenez garde qu'il n'affaiblisse vos belles facultés; prenez soin de vous-même, ayez patience, votre situation s'améliorera, on reconnaîtra l'injustice de la rigueur dont 107 on use envers vous; c'est un devoir envers vous-même, envers les autres, envers votre pays même que de ne vous laisser abattre; n'oubliez pas que vous êtes l'ornement de notre littérature naissante et que les traverses momentanées dont vous êtes victime ne peuvent porter atteinte à votre gloire littéraire. — Je sais que votre premier exil a fait du bien à votre caractère, que vous n'êtes plus aussi étourdi, inconsidéré, continuez de même et de plus respecter la religion et je ne doute nullement que dans un court espace de temps vous ne soyez tiré de votre maudit village. —
Adieu. Votre ami A. Raïevsky.
21 Août 1824
Alexandrie près Bielatserkow.
Mon adresse est toujours à Kieff.[182]
J'ai appris avec beaucoup de peine, mon cher Pouchkin, votre départ pour les terres de votre Père. Ainsi donc je n'aurai plus la perspective de vous voir de sitôt. Quant à votre changement de destination, je n'en augure pas trop de mal, j'espère que c'est un pas vers la fin de votre exil. J'espère aussi que votre proximité de Pétersbourg vous mettra à même de voir souvent votre famille et vos amis ce qui diminuera de beaucoup les ennuis de votre séjour à la campagne. J'ai été longtemps sans vous écrire car j'ai fait une grande maladie, dont je ne suis pas encore totalement rétabli. Continuez de m'écrire et faites le longuement et souvent, ne craignez pas de me compromettre, ma liaison avec vous date de bien avant votre malheureuse histoire; elle est indépendante des événements qui sont survenus et que les erreurs de votre première jeunesse ont amenés. J'ai un conseil à vous donner, soyez prudent, non pas que je craigne leur retour, mais je crains toujours quelque action imprudente qu'on pourrait interprêter dans ce sens et malheureusement les antécédents donnent prise sur vous. Si je ne vois pas de changement à votre situation, comme je tiens beaucoup à vous voir, je vous promet de venir chez vous avant un an; si votre situation change il faut que vous vous engagiez à venir me voir pour le même terme. Adieu, mon cher ami, conservez moi l'amitié que vous m'aviez témoigné, qu'elle soit indépendante de l'éloignement où nous vivons et du temps qu'il pourra durer. Adieu, je suis fatigué de vous écrire, je n'ai pas la tête à moi. Mon adresse est la même: à Kief, au nom de mon Père. Envoyez-moi la vôtre.