Том 3. Публицистические произведения | страница 6



Ce sont là de funestes souvenirs. Comment se fait-il qu’en présence de souvenirs pareils vous ne vous sentiez pas plus alarmé par tout symptôme qui annonce un antagonisme naissant dans les dispositions de votre pays? Comment ne vous demandez-vous pas avec effroi si ce n’est pas là le réveil de votre ancienne, de votre terrible maladie?

Les trente années qui viennent de s’écouler peuvent assurément être comptées parmi les plus belles de votre histoire; depuis les grands règnes de ses empereurs saliques jamais de plus beaux jours n’avaient lui sur l’Allemagne; depuis bien des siècles l’Allemagne ne s’était aussi complètement appartenue, ne s’était sentie aussi une, aussi elle-même; depuis bien des siècles elle n’avait eu vis-à-vis de son éternelle rivale une attitude plus forte, plus imposante. Elle l’a tenue en échec sur tous les points. Voyez vous-même: au delà des Alpes vos plus glorieux empereurs n’ont jamais exercé une autorité plus réelle que celle qu’y exerce maintenant

une puissance allemande. Le Rhin est redevenu allemand de cœur et d’âme; la Belgique, que la dernière secousse européenne semblait devoir précipiter dans les bras de la France, s’est arrêtée sur la pente, et maintenant il est évident qu’elle remonte vers vous; le cercle de Bourgogne se reforme, la Hollande, tôt ou tard, ne saurait manquer de vous revenir. Telle a donc été l’issue définitive du grand duel engagé il y a plus de deux siècles entre la France et vous; vous avez pleinement triomphé, vous avez eu le dernier mot. Et cependant, convenez-en: pour qui avait assisté à cette lutte depuis son origine, pour qui l’avait suivie à travers toutes les phases, à travers toutes ses vicissitudes, jusqu’à la veille du jour suprême et décisif, il eût été difficile de prévoir une pareille issue; les apparences n’étaient pas pour vous, les chances n’étaient pas en votre faveur. Depuis la fin du Moyen-Age, malgré quelque temps d’arrêt, la puissance de la France n’avait cessé de grandir, en se concentrant et en se disciplinant, et c’est à partir de cette époque que l’Empire, grâce à sa scission religieuse, est entré dans son dernier période, dans le période de sa désorganisation légale; les victoires même que vous remportiez étaient stériles pour vous, car ces victoires n’arrêtaient pas la désorganisation intérieure, où souvent même elles ne faisaient que la précipiter. Sous Louis XIV, bien que le grand roi eût échoué, la France triompha, son influence domina souverainement l’Allemagne; enfin vint la Révolution, qui, après avoir extirpé de la nationalité française jusqu’aux derniers vestiges de ses origines, de ses affinités germaniques, après avoir rendu à la France son caractère exclusivement romain, engagea contre l’Allemagne, contre le principe même de son existence, une dernière lutte, une lutte à mort; et c’est au moment où le soldat couronné de cette Révolution faisait représenter sa parodie de l’empire de Charlemagne sur les débris mêmes de l’empire fondé par Charlemagne, obligeant pour dernière humiliation les peules de l’Allemagne d’y jouer aussi leur rôle, c’est dans ce moment suprême que la péripétie eut lieu, et que tout fut changé.