Константин Бальмонт и поэзия французского языка/Konstantin Balmont et la poésie de langue française [билингва ru-fr] | страница 49



Avec férocité couvant le monde qui dévale.
Et un glapissement prolongé: «Du pain! du pain! du pain!»
De la ténèbre des bois irruait jusqu'au Tsar.
Dans les rues, les êtres squelettiques
Broutaient avidement l'herbe maigre,
Brutes et nus, — comme un bétail.
Et les rêves s'accomplissaient en réalité.
Alourdis de pourriture, les cercueils
Aux vivants donnaient, fétide et infernale, une nourriture.
Entre les dents des morts l'on trouvait du foin!
Et devenait toute maison, un lugubre bouge…
Les tempêtes et leurs tournements abattaient les tours,
Et les cieux, dérobés de triples nues,
Transparaissaient soudain d'une rouge lueur
Et de batailles entre surnaturels guerriers!
Jamais vus, des oiseaux arrivaient.
Les aigles planèrent sur Moscou.
Aux carrefours, des vieillards, en silence, attendaient,
Qui hochaient leurs têtes chenues…
La Mort et la Haine rôdaient parmi l'humanité.
Et la Terre tressaillit de la vue d'une comète.
Et dans ces jours, Dmitri se leva de sa tombe
Pour incarner au corps d'Otrépiev, son esprit!

Traduit par Alexandra de Holstein et René Ghil

Я люблю далекий след — от весла…/J'aime de mon aviron le sillon…

Я люблю далекий след — от весла,
Мне отрадно подойти — вплоть до зла,
И его не совершив — посмотреть,
Как костер, вдали, за мной — будет тлеть.
Если я в мечте поджог — города,
Пламя зарева со мной — навсегда.
О, мой брат! Поэт и царь — сжегший Рим!
Мы сжигаем, как и ты — и горим!

J'aime de mon aviron le sillon,
J'aime mon chemin fatal — jusqu au mal,
Jusqu'au mal inaccompli — où pâlit
Du bûcher le feu lointain — qui s'éteint.
Et je porte les reflets — et les flammes
Des pays que j'ai brûlés — en mon âme.
Chantre et Souverain Néron — ô mon frère!
Nous brûlons et nous mourons — incendiaires.

Traduit par Ludmila Savitzky

Можно жить с закрытыми глазами…/On peut vivre en fermant sur son destin les yeux…

Можно жить с закрытыми глазами,
Не желая в мире ничего,
И навек проститься с небесами,
И понять, что все кругом мертво.
Можно жить, безмолвно холодея,
Не считая гаснущих минут,
Как живет осенний лес, редея,
Как мечты поблекшие живут.
Можно все заветное покинуть,
Можно все бесследно разлюбить.
Но нельзя к минувшему остынуть,
Но нельзя о прошлом позабыть!

On peut vivre en fermant sur son destin les yeux,
Sans aucun rêve et sans douce espérance;
L'on pourrait dire au ciel un éternel adieu,
Sentir de tout le néant, l'inconstance.
On peut vivre muet, se glaçant lentement,
Sans regretter le temps qui nous entraîne.