Dictionnaire amoureux de la France | страница 16



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Catholicité (La)

L’anticléricalisme a de beaux restes en France : hommage semi-conscient d’une fille émancipée à sa mère qui longtemps l’a chaperonnée de près. Souvent de trop près. Les bisbilles entre l’Église et l’État, violentes depuis les « assermentés » et les « réfractaires » de la Révolution jusqu’au « inventaires » et aux lois du petit père Combes, ancien séminariste, reflètent l’influence de la catholicité au pays de Saint Louis et de Jeanne d’Arc. Deux saints politiques épargnés par les « hussards noirs » de la III>e République car la France selon Michelet et Lavisse dont ils inculquaient l’amour aux loupiots de nos terroirs n’aurait pas eu de sens s’ils avaient occulté l’imagerie du roi rendant la justice sous son chêne à Vincennes, et de la bergère en armes sous les murs d’Orléans. Que l’on croie à Dieu ou à Diable, ou à la raison des Encyclopédies, ou a presque rien comme les philosophes contemporains, si l’on a quelque sympathie pour le génie de la France, on ne saurait nier sa dette vis-à-vis du catholicisme romain. On sait l’importance politique du baptême de Clovis, du sacre de Charlemagne à Rome, du chaperonnage des rois par les évêques, du rituel des sacres à Reims, des croisades : la « fille aînée de l’Église » a rué maintes fois dans les brancards pontificaux, mais à proportion de son intimité avec les successeurs de saint Pierre. On sait moins l’importance du monachisme français depuis saint Martin dont les reliques à Tours auront été, après Saint-Denis et avant Saint-Jacques-de-Compostelle, le lieu de pèlerinage le plus couru de l’Europe christianisée. Le monastère de l’île de Lérins, fondé par saint Honorat, fut le premier du genre en Occident et c’est à partir de l’abbaye de Cluny, en Bourgogne, qu’essaima l’ordre bénédictin. Ses premiers prieurs furent presque tous canonisés et son rayonnement métamorphosa la vie spirituelle, économique et culturelle du royaume de France. Les moines ont transmis pendant des siècles l’héritage gréco-romain et celui des Pères de l’Église, à part égale avec les évêques et leurs chapitres. À Cîteaux, toujours en Bourgogne, Bernard de Clairvaux réforma l’ordre, et ses disciples cisterciens devinrent eux aussi des acteurs essentiels dans les domaines de l’agriculture, de l’œnologie… et de la banque. Saint Bernard fut le personnage majeur du XII>e siècle en Occident. L’architecture cistercienne s’est épanouie sous les ciels de France, ainsi que la dentellerie gothique des cathédrales et l’art des vitraux. Art catholique s’il en fut, et le mystère des bleus de Chartres continue d’exercer sa fascination. C’est à l’université de Paris, la plus prestigieuse au Moyen Âge, qu’enseignèrent saint Victor, Sorbon, Albert le Grand, Thomas d’Aquin, Bonaventure et le pauvre Abélard. Saint Anselme, le premier des grands scolastiques, futur archevêque de Canterbury, avait été formé dans cette Normandie fertile en hauts lieux monastiques : le mont Saint-Michel, Saint-Wandrille, Le Bec-Hellouin, Jumièges, Fécamp, les deux abbayes de Caen fondées par Guillaume le Conquérant, promoteur en ses fiefs de la réforme grégorienne (