Réflexions ou sentences et maximes morales | страница 6
Notre défiance justifie la tromperie d’autrui.
Les hommes ne vivraient pas longtemps en société s’ils n’étaient les dupes les uns des autres.
L’amour-propre nous augmente ou nous diminue les bonnes qualités de nos amis à proportion de la satisfaction que nous avons d’eux; et nous jugeons de leur mérite par la manière dont ils vivent avec nous.
Tout le monde se plaint de sa mémoire, et personne ne se plaint de son jugement.
Nous plaisons plus souvent dans le commerce de la vie par nos défauts que par nos bonnes qualités.
La plus grande ambition n’en a pas la moindre apparence lorsqu’elle se rencontre dans une impossibilité absolue d’arriver où elle aspire.
Détromper un homme préoccupé de son mérite est lui rendre un aussi mauvais office que celui que l’on rendit à ce fou d’Athènes, qui croyait que tous les vaisseaux qui arrivaient dans le port étaient à lui.
Les vieillards aiment à donner de bons préceptes, pour se consoler de n’être plus en état de donner de mauvais exemples.
Les grands noms abaissent, au lieu d’élever, ceux qui ne les savent pas soutenir.
La marque d’un mérite extraordinaire est de voir que ceux qui l’envient le plus sont contraints de le louer.
Tel homme est ingrat, qui est moins coupable de son ingratitude que celui qui lui a fait du bien.
On s’est trompé lorsqu’on a cru que l’esprit et le jugement étaient deux choses différentes. Le jugement n’est que la grandeur de la lumière de l’esprit; cette lumière pénètre le fond des choses; elle y remarque tout ce qu’il faut remarquer et aperçoit celles qui semblent imperceptibles. Ainsi il faut demeurer d’accord que c’est l’étendue de la lumière de l’esprit qui produit tous les effets qu’on attribue au jugement.
Chacun dit du bien de son cœur, et personne n’en ose dire de son esprit.
La politesse de l’esprit consiste à penser des choses honnêtes et délicates.
La galanterie de l’esprit est de dire des choses flatteuses d’une manière agréable.
Il arrive souvent que des choses se présentent plus achevées à notre esprit qu’il ne les pourrait faire avec beaucoup d’art.
L’esprit est toujours la dupe du cœur.
Tous ceux qui connaissent leur esprit ne connaissent pas leur cœur.
Les hommes et les affaires ont leur point de perspective. Il y en a qu’il faut voir de près pour en bien juger, et d’autres dont on ne juge jamais si bien que quand on en est éloigné.
Celui-là n’est pas raisonnable à qui le hasard fait trouver la raison, mais celui qui la connaît, qui la discerne, et qui la goûte.