Réflexions ou sentences et maximes morales | страница 5
Il est difficile de définir l’amour. Ce qu’on en peut dire est que dans l’âme c’est une passion de régner, dans les esprits c’est une sympathie, et dans le corps ce n’est qu’une envie cachée et délicate de posséder ce que l’on aime après beaucoup de mystères.
S’il y a un amour pur et exempt du mélange de nos autres passions, c’est celui qui est caché au fond du cœur, et que nous ignorons nous-mêmes.
Il n’y a point de déguisement qui puisse longtemps cacher l’amour où il est, ni le feindre où il n’est pas.
Il n’y a guère de gens qui ne soient honteux de s’être aimés quand ils ne s’aiment plus.
Si on juge de l’amour par la plupart de ses effets, il ressemble plus à la haine qu’à l’amitié.
On peut trouver des femmes qui n’ont jamais eu de galanterie; mais il est rare d’en trouver qui n’en aient jamais eu qu’une.
Il n’y a que d’une sorte d’amour, mais il y en a mille différentes copies.
L’amour aussi bien que le feu ne peut subsister sans un mouvement continuel; et il cesse de vivre dès qu’il cesse d’espérer ou de craindre.
Il est du véritable amour comme de l’apparition des esprits: tout le monde en parle, mais peu de gens en ont vu.
L’amour prête son nom à un nombre infini de commerces qu’on lui attribue, et où il n’a non plus de part que le Doge à ce qui se fait à Venise.
L’amour de la justice n’est en la plupart des hommes que la crainte de souffrir l’injustice.
Le silence est le parti le plus sûr de celui qui se défie de soi-même.
Ce qui nous rend si changeants dans nos amitiés, c’est qu’il est difficile de connaître les qualités de l’âme, et facile de connaître celles de l’esprit.
Nous ne pouvons rien aimer que par rapport à nous, et nous ne faisons que suivre notre goût et notre plaisir quand nous préférons nos amis à nous-mêmes; c’est néanmoins par cette préférence seule que l’amitié peut être vraie et parfaite.
La réconciliation avec nos ennemis n’est qu’un désir de rendre notre condition meilleure, une lassitude de la guerre, et une crainte de quelque mauvais événement.
Ce que les hommes ont nommé amitié n’est qu’une société, qu’un ménagement réciproque d’intérêts, et qu’un échange de bons offices; ce n’est enfin qu’un commerce où l’amour-propre se propose toujours quelque chose à gagner.
Il est plus honteux de se défier de ses amis que d’en être trompé.
Nous nous persuadons souvent d’aimer les gens plus puissants que nous; et néanmoins c’est l’intérêt seul qui produit notre amitié. Nous ne nous donnons pas à eux pour le bien que nous leur voulons faire, mais pour celui que nous en voulons recevoir.