Réflexions ou sentences et maximes morales | страница 35
Il semble que c’est le diable qui a tout exprès placé la paresse sur la frontière de plusieurs vertus.
La fin du bien est un mal; la fin du mal est un bien.
On blâme aisément les défauts des autres, mais on s’en sert rarement à corriger les siens.
Les biens et les maux qui nous arrivent ne nous touchent pas selon leur grandeur, mais selon notre sensibilité.
Ceux qui prisent trop leur noblesse ne prisent d’ordinaire pas assez ce qui en est l’origine.
Le remède de la jalousie est la certitude de ce qu’on craint, parce qu’elle cause la fin de la vie ou la fin de l’amour; c’est un cruel remède, mais il est plus doux que les doutes et les soupçons.
Il est difficile de comprendre combien est grande la ressemblance et la différence qu’il y a entre tous les hommes.
Ce qui fait tant disputer contre les maximes qui découvrent le cœur de l’homme, c’est que l’on craint d’y être découvert.
L’homme est si misérable que, tournant toutes ses conduites à satisfaire ses passions, il gémit incessamment sous leur tyrannie; il ne peut supporter ni leur violence ni celle qu’il faut qu’il se fasse pour s’affranchir de leur joug; il trouve du dégoût non seulement dans ses vices, mais encore dans leurs remèdes, et ne peut s’accommoder ni des chagrins de ses maladies ni du travail de sa guérison.
Dieu a permis, pour punir l’homme du péché originel, qu’il se fît un dieu de son amour-propre pour en être tourmenté dans toutes les actions de sa vie.
L’espérance et la crainte sont inséparables, et il n’y a point de crainte sans espérance ni d’espérance sans crainte.
Le pouvoir que les personnes que nous aimons ont sur nous est presque toujours plus grand que celui que nous y avons nous-mêmes.
Ce qui nous fait croire si facilement que les autres ont des défauts, c’est la facilité que l’on a de croire ce qu’on souhaite.
L’intérêt est l’âme de l’amour-propre, de sorte que, comme le corps, privé de son âme, est sans vue, sans ouïe, sans connaissance, sans sentiment et sans mouvement, de même l’amour-propre séparé, s’il le faut dire ainsi, de son intérêt, ne voit, n’entend, ne sent et ne se remue plus; de là vient qu’un même homme qui court la terre et les mers pour son intérêt devient soudainement paralytique pour l’intérêt des autres; de là vient le soudain assoupissement et cette mort que nous causons à tous ceux à qui nous contons nos affaires; de là vient leur prompte résurrection lorsque dans notre narration nous y mêlons quelque chose qui les regarde; de sorte que nous voyons dans nos conversations et dans nos traités que dans un même moment un homme perd connaissance et revient à soi, selon que son propre intérêt s’approche de lui ou qu’il s’en retire.