Réflexions ou sentences et maximes morales | страница 30
Toutes les passions ne sont autre chose que les divers degrés de la chaleur, et de la froideur, du sang.
La modération dans la bonne fortune n’est que l’appréhension de la honte qui suit l’emportement, ou la peur de perdre ce que l’on a.
La modération est comme la sobriété: on voudrait bien manger davantage, mais on craint de se faire mal.
Tout le monde trouve à redire en autrui ce qu’on trouve à redire en lui.
L’orgueil, comme lassé de ses artifices et de ses différentes métamorphoses, après avoir joué tout seul tous les personnages de la comédie humaine, se montre avec un visage naturel, et se découvre par la fierté; de sorte qu’à proprement parler la fierté est l’éclat et la déclaration de l’orgueil.
La complexion qui fait le talent pour les petites choses est contraire à celle qu’il faut pour le talent des grandes.
C’est une espèce de bonheur, de connaître jusques à quel point on doit être malheureux.
On n’est jamais si malheureux qu’on croit, ni si heureux qu’on avait espéré.
On se console souvent d’être malheureux par un certain plaisir qu’on trouve à le paraître.
Il faudrait pouvoir répondre de sa fortune, pour pouvoir répondre de ce que l’on fera.
Comment peut-on répondre de ce qu’on voudra à l’avenir, puisque l’on ne sait pas précisément ce que l’on veut dans le temps présent?
L’amour est à l’âme de celui qui aime ce que l’âme est au corps qu’elle anime.
La justice n’est qu’une vive appréhension qu’on ne nous ôte ce qui nous appartient; de là vient cette considération et ce respect pour tous les intérêts du prochain, et cette scrupuleuse application à ne lui faire aucun préjudice; cette crainte retient l’homme dans les bornes des biens que la naissance, ou la fortune, lui ont donnés, et sans cette crainte il ferait des courses continuelles sur les autres.
La justice, dans les juges qui sont modérés, n’est que l’amour de leur élévation.
On blâme l’injustice, non pas par l’aversion que l’on a pour elle, mais pour le préjudice que l’on en reçoit.
Le premier mouvement de joie que nous avons du bonheur de nos amis ne vient ni de la bonté de notre naturel, ni de l’amitié que nous avons pour eux; c’est un effet de l’amour-propre qui nous flatte de l’espérance d’être heureux à notre tour, ou de retirer quelque utilité de leur bonne fortune.
Dans l’adversité de nos meilleurs amis, nous trouvons toujours quelque chose qui ne nous déplaît pas.
L’aveuglement des hommes est le plus dangereux effet de leur orgueil: il sert à le nourrir et à l’augmenter, et nous ôte la connaissance des remèdes qui pourraient soulager nos misères et nous guérir de nos défauts.