Réflexions ou sentences et maximes morales | страница 2



15

La clémence des princes n’est souvent qu’une politique pour gagner l’affection des peuples.

16

Cette clémence dont on fait une vertu se pratique tantôt par vanité, quelquefois par paresse, souvent par crainte, et presque toujours par tous les trois ensemble.

17

La modération des personnes heureuses vient du calme que la bonne fortune donne à leur humeur.

18

La modération est une crainte de tomber dans l’envie et dans le mépris que méritent ceux qui s’enivrent de leur bonheur; c’est une vaine ostentation de la force de notre esprit; et enfin la modération des hommes dans leur plus haute élévation est un désir de paraître plus grands que leur fortune.

19

Nous avons tous assez de force pour supporter les maux d’autrui.

20

La constance des sages n’est que l’art de renfermer leur agitation dans le cœur.

21

Ceux qu’on condamne au supplice affectent quelquefois une constance et un mépris de la mort qui n’est en effet que la crainte de l’envisager. De sorte qu’on peut dire que cette constance et ce mépris sont à leur esprit ce que le bandeau est à leurs yeux.

22

La philosophie triomphe aisément des maux passés et des maux à venir. Mais les maux présents triomphent d’elle.

23

Peu de gens connaissent la mort. On ne la souffre pas ordinairement par résolution, mais par stupidité et par coutume; et la plupart des hommes meurent parce qu’on ne peut s’empêcher de mourir.

24

Lorsque les grands hommes se laissent abattre par la longueur de leurs infortunes, ils font voir qu’ils ne les soutenaient que par la force de leur ambition, et non par celle de leur âme, et qu’à une grande vanité près les héros sont faits comme les autres hommes.

25

Il faut de plus grandes vertus pour soutenir la bonne fortune que la mauvaise.

26

Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement.

27

On fait souvent vanité des passions même les plus criminelles; mais l’envie est une passion timide et honteuse que l’on n’ose jamais avouer.

28

La jalousie est en quelque manière juste et raisonnable, puisqu’elle ne tend qu’à conserver un bien qui nous appartient, ou que nous croyons nous appartenir; au lieu que l’envie est une fureur qui ne peut souffrir le bien des autres.

29

Le mal que nous faisons ne nous attire pas tant de persécution et de haine que nos bonnes qualités.

30

Nous avons plus de force que de volonté; et c’est souvent pour nous excuser à nous-mêmes que nous nous imaginons que les choses sont impossibles.

31

Si nous n’avions point de défauts, nous ne prendrions pas tant de plaisir à en remarquer dans les autres.