Les Quarante-Cinq. Tome III | страница 88
– Oh ! s’écria Diane, mon Dieu ! mon Dieu !
– Rassurez-vous, madame, il a entendu dire à son compagnon qu’il ne vous connaissait pas.
– N’importe, n’importe, dit la jeune femme en regardant Remy.
– Tout ce que vous voudrez, madame, tout, dit Remy en armant ses traits d’une suprême résolution.
– Ne vous alarmez point, madame, dit Henri, le duc va partir à l’instant même ; un quart d’heure encore et vous serez seule et libre. Permettez-moi donc de vous saluer avec respect et de vous dire encore une fois que jusqu’à mon soupir de mort
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mon cœur battra pour vous et par vous. Adieu ! madame, adieu !
Et le comte, s’inclinant aussi religieusement qu’il eût fait devant un autel, fit deux pas en arrière.
– Non ! non ! s’écria Diane avec l’égarement de la fièvre ; non, Dieu n’a pas voulu cela ; non ; Dieu avait tué cet homme, il ne peut l’avoir ressuscité ; non, non, monsieur ; vous vous trompez, il est mort !
En ce moment même, et comme pour répondre à cette douloureuse invocation à la miséricorde céleste, la voix du prince retentit dans la rue.
– Comte, disait-elle, comte, vous nous faites attendre.
– Vous l’entendez, madame, dit Henri. Une dernière fois, adieu !
Et serrant la main de Remy, il s’élança dans l’escalier.
Diane s’approcha de la fenêtre, tremblante et convulsive comme l’oiseau que fascine le serpent des Antilles.
Elle aperçut le duc à cheval ; son visage était coloré par la lueur des torches que portaient deux gendarmes.
– Oh ! il vit le démon, il vit ! murmura Diane à l’oreille de Remy avec un accent tellement terrible, que le digne serviteur en fut épouvanté lui-même ; il vit, vivons aussi ; il part pour la France. Soit, Remy, c’est en France que nous allons.
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LXXVI
Séduction
Les préparatifs du départ des gendarmes avaient jeté la confusion dans le bourg ; leur départ fit succéder le plus profond silence au bruit des armes et des voix.
Remy laissa ce bruit s’éteindre peu à peu et se perdre tout à fait ; puis, lorsqu’il crut la maison complètement déserte, il descendit dans la salle basse pour s’occuper de son départ et de celui de Diane.
Mais, en poussant la porte de cette salle, il fut bien surpris de voir un homme assis près du feu, le visage tourné de son côté.
Cet homme guettait évidemment la sortie de Remy, quoique en l’apercevant, il eût pris l’air de la plus profonde insouciance.
Remy s’approcha, selon son habitude, avec une démarche lente et brisée, en découvrant son front chauve et pareil à celui d’un vieillard accablé d’années.