Les Quarante-Cinq. Tome III | страница 86




– Deux hommes suffiront.


– Si deux hommes suffisent, monseigneur, dit Henri, j’irai avec un gendarme.


– Non pas, morbleu ! dit vivement François, non pas, du Bouchage, vous viendrez avec nous. Peste ! ce n’est point en de pareils moments que l’on se sépare d’un défenseur tel que vous.


– Votre Altesse emmène toute l’escorte ?


– Toute.


– C’est bien, monseigneur, répliqua Henri en s’inclinant ; dans combien de temps part Votre Altesse ?


– Tout de suite, comte.


– Holà ! quelqu’un ! cria Henri.


Le jeune enseigne sortit de la ruelle comme s’il n’eût attendu que cet ordre de son chef pour paraître.


Henri lui donna ses ordres, et presque aussitôt on vit les gendarmes se replier sur la place de toutes les extrémités du bourg, en faisant leurs préparatifs de départ.

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Au milieu d’eux le duc s’entretenait avec les officiers.


– Messieurs, dit-il, le prince d’Orange me fait poursuivre, à ce qu’il paraît ; mais il ne convient pas qu’un fils de France soit fait prisonnier sans le prétexte d’une bataille comme Poitiers ou Pavie. Cédons donc au nombre et replions-nous sur Bruxelles.

Je serai sûr de ma vie et de ma liberté tant que je demeurerai au milieu de vous.


Puis, se tournant vers Aurilly :


– Toi, tu vas rester ici, lui dit-il. Cette femme ne peut nous suivre. Et d’ailleurs je connais assez ces Joyeuse pour savoir que celui-ci n’osera point emmener sa maîtresse avec lui en ma présence. D’ailleurs nous n’allons point au bal, et nous courrons d’un train qui fatiguerait la dame.


– Où va monseigneur ?


– En France ; je crois que mes affaires sont tout à fait gâtées ici.


– Mais dans quelle partie de la France ? Monseigneur pense-t-il qu’il soit prudent pour lui de retourner à la cour ?


– Non pas ; aussi, selon toutes les apparences, je m’arrêterai en route dans un de mes apanages, à Château-Thierry, par exemple.


– Votre Altesse est-elle fixée ?


– Oui, Château-Thierry me convient sous tous les rapports, c’est à une distance convenable de Paris, à vingt-quatre lieues ; j’y surveillerai MM. de Guise, qui sont la moitié de l’année à Soissons. Donc, c’est à Château-Thierry que tu m’amèneras la belle inconnue.


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– Mais, monseigneur, elle ne se laissera peut-être pas emmener.


– Es-tu fou ? puisque du Bouchage m’accompagne à Château-Thierry et qu’elle suit du Bouchage, les choses, au contraire, iront toutes seules.


– Mais elle peut vouloir aller d’un autre côté, si elle remarque que j’ai de la pente à la conduire vers vous.