Les Quarante-Cinq. Tome III | страница 80
– À cette occasion, que l’Espagne, débarrassée de moi au nord, va lui tomber sur le dos au midi.
– Ah ! c’est juste.
– Tu n’as pas écrit ?
– Dame ! monseigneur !
– Tu dormais.
– Oui, je l’avoue ; mais encore l’idée me fût-elle venue d’écrire, avec quoi eusse-je écrit, monseigneur ? Je n’ai ici, ni papier, ni encre, ni plume.
– Eh bien cherche. Quaere et invenies, dit l’Évangile.
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– Comment diable Votre Altesse veut-elle que je trouve tout cela dans la chaumière d’un paysan qui, il y a mille à parier contre un, ne sait pas écrire ?
– Cherche toujours, imbécile, et si tu ne trouves pas cela, eh bien…
– Eh bien ?
– Eh bien, tu trouveras autre chose.
– Oh ! imbécile que je suis ! s’écria Aurilly, en se frappant le front, ma foi, oui, Votre Altesse a raison, et ma tête s’embourbe ; cela tient à ce que j’ai une affreuse envie de dormir, voyez-vous, monseigneur.
– Allons, allons, je veux bien te croire ; chasse cette envie-là pour un instant, et puisque tu n’as pas écrit, toi, j’écrirai, moi ; cherche-moi seulement tout ce qu’il me faut pour écrire ; cherche, Aurilly, cherche, et ne reviens que lorsque tu auras trouvé ; moi, je reste ici.
– J’y vais, monseigneur.
– Et si, dans ta recherche, attends donc, et dans ta recherche, tu t’aperçois que la maison soit d’un style pittoresque… Tu sais combien j’aime les intérieurs flamands, Aurilly ?
– Oui, monseigneur.
– Eh bien, tu m’appelleras.
– À l’instant même, monseigneur ; vous pouvez être tranquille.
Aurilly se leva, et, léger comme un oiseau, il se dirigea vers la chambre voisine, où se trouvait le pied de l’escalier.
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Aurilly était léger comme un oiseau ; aussi à peine entendit-on un léger craquement au moment où il mit le pied sur les premières marches ; mais aucun bruit ne décela sa tentative.
Au bout de cinq minutes, il revint près de son maître qui s’était installé, ainsi qu’il avait dit, dans la grande salle.
– Eh bien ? demanda celui-ci.
– Eh bien, monseigneur, si j’en crois les apparences, la maison doit être diablement pittoresque.
– Pourquoi cela ?
– Peste ! monseigneur, parce qu’on n’y entre pas comme on veut.
– Que dis-tu ?
– Je dis qu’un dragon la garde.
– Quelle est cette sotte plaisanterie, mon maître ?
– Eh ! monseigneur, ce n’est malheureusement pas une sotte plaisanterie, c’est une triste vérité. Le trésor est au premier, dans une chambre derrière une porte sous laquelle on voit luire de la lumière.