Les Quarante-Cinq. Tome III | страница 67




Ce dernier point réglé, il embrassa tendrement son frère, et donna l’ordre du départ.


Les cent hommes tirés au sort par l’enseigne, du Bouchage en tête, se mirent en route à l’instant même.


Henri plaça le guide entre deux gendarmes tenant constamment le pistolet au poing.


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Remy et sa compagne étaient mêlés aux gens de la suite.

Henri n’avait fait aucune recommandation à leur égard, pensant que la curiosité était déjà bien assez excitée à leur endroit, sans l’augmenter encore par des précautions plus dangereuses que salutaires.


Lui-même, sans avoir fatigué ou importuné ses hôtes par un seul regard, après être sorti du bourg, revint prendre sa place aux flancs de la compagnie.


Cette marche de la troupe était lente, le chemin parfois manquait tout à coup sous les pieds des chevaux, et le détachement tout entier se trouvait embourbé.


Tant que l’on n’eut point trouvé la chaussée que l’on cherchait, on dut se résigner à marcher comme avec des entraves.


Quelquefois des spectres, fuyant au bruit des chevaux, sillonnaient la plaine ; c’étaient des paysans un peu trop prompts à revenir dans leurs terres, et qui redoutaient de tomber aux mains de ces ennemis qu’ils avaient voulu anéantir.


Parfois aussi, ce n’étaient que de malheureux Français à moitié morts de froid et de faim, incapables de lutter contre des gens armés, et qui, dans l’incertitude où ils étaient de tomber sur des amis ou des ennemis, préféraient attendre le jour pour reprendre leur pénible route.


On fit deux lieues en trois heures ; ces deux lieues avaient conduit l’aventureuse patrouille sur les bords du Rupel, que bordait une chaussée de pierre ; mais alors les dangers succédèrent aux difficultés : deux ou trois chevaux perdirent pied dans les interstices de ces pierres, ou, glissant sur les pierres fangeuses, roulèrent avec leurs cavaliers dans l’eau encore rapide de la rivière.


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Plus d’une fois aussi, de quelque bateau amarré à l’autre bord, partirent des coups de feu qui blessèrent deux valets d’armée et un gendarme.


Un des deux valets avait été blessé aux côtés de Diane ; elle avait manifesté des regrets pour cet homme, mais aucune crainte pour elle.


Henri, dans ces différentes circonstances, se montra pour ses hommes un digne capitaine et un véritable ami ; il marchait le premier, forçant toute la troupe à suivre sa trace, et se fiant moins encore à sa propre sagacité qu’à l’instinct du cheval que lui avait donné son frère, si bien que de cette façon il conduisait tout le monde au salut, en risquant seul la mort.