Les Quarante-Cinq. Tome III | страница 65
– Vous me donnez ce commandement, n’est-ce pas, mon frère ?
– Il le faut bien, puisque vous le voulez.
– Je puis partir ce soir même ?
– C’est de rigueur, Henri ; vous comprenez que nous ne pouvons attendre plus longtemps.
– Combien mettez-vous d’hommes à ma disposition ?
– Cent hommes, pas davantage. Je ne puis dégarnir ma position, Henri, vous comprenez bien cela.
– Moins, si vous voulez, mon frère.
– Non pas, car je voudrais pouvoir vous en donner le double. Seulement engagez-moi votre parole d’honneur que si vous avez affaire à plus de trois cents hommes, vous battrez en retraite au lieu de vous faire tuer.
– Mon frère, dit en souriant Henri, vous me vendez bien cher une gloire que vous ne me livrez pas.
– Alors, mon cher Henri, je ne vous la vendrai ni ne vous la donnerai ; un autre officier commandera la reconnaissance.
– Mon frère, donnez vos ordres, et je les exécuterai.
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– Vous n’engagerez donc le combat qu’à forces égales, doubles ou triples, mais vous ne dépasserez point cela.
– Je vous le jure.
– Très bien ; maintenant quel corps voulez-vous avoir ?
– Laissez-moi prendre cent hommes des gendarmes d’Aunis ; j’ai bon nombre d’amis dans ce régiment, et, en choisissant mes hommes, j’en ferai ce que je voudrai.
– Va pour les gendarmes d’Aunis.
– Quand partirai-je ?
– Tout de suite. Seulement vous ferez donner la ration aux hommes pour un jour, aux bêtes pour deux. Rappelez-vous que je désire avoir des nouvelles promptes et sûres.
– Je pars, mon frère ; avez-vous quelque ordre secret ?
– Ne répandez pas la mort du duc ; laissez croire qu’il est à mon camp. Exagérez mes forces, et si vous retrouvez le corps du prince, quoique ce soit un méchant homme et un pauvre général, comme, à tout prendre, il était de la maison de France, faites-le mettre dans une boîte de chêne, et faites-le rapporter par vos gendarmes, afin qu’il soit enterré à Saint-Denis.
– Bien, mon frère ; est-ce tout ?
– C’est tout.
Henri prit la main de son aîné pour la baiser, mais celui-ci le serra dans ses bras.
– Encore une fois, vous me promettez, Henri, dit Joyeuse, que ce n’est point une ruse que vous employez pour vous faire tuer bravement ?
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– Mon frère, j’ai eu cette pensée en venant vous rejoindre ; mais cette pensée, je vous jure, n’est plus en moi.
– Et depuis quand vous a-t-elle quitté ?
– Depuis deux heures.
– À quelle occasion ?
– Mon frère, excusez-moi.
– Allez, Henri, allez, vos secrets sont à vous.