Les Quarante-Cinq. Tome III | страница 25
Du premier choc de leurs épées se dégagea une gerbe d’étincelles.
Joyeuse, confiant dans la trempe de son armure et dans sa science de l’escrime, porta de rudes coups qui furent habilement parés. En même temps un des coups de son adversaire le toucha
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en pleine poitrine, et, glissant sur la cuirasse, alla, au défaut de l’armure, lui tirer quelques goûtes de sang de l’épaule.
– Ah ! s’écria le jeune amiral en sentant la pointe du fer, cet homme est un Français, et il y a plus, cet homme a étudié les armes sous le même maître que moi.
À ces paroles, on vit l’inconnu se détourner et essayer de se jeter sur un autre point.
– Si tu es Français, lui cria Joyeuse, tu es un traître, car tu combats contre ton roi, contre ta patrie, contre ton drapeau.
L’inconnu ne répondit qu’en se retournant et en attaquant Joyeuse avec fureur.
Mais, cette fois, Joyeuse était prévenu et savait à quelle habile épée il avait affaire. Il para successivement trois ou quatre coups portés avec autant d’adresse que de rage, de force que de colère.
Ce fut l’inconnu qui à son tour fit un mouvement de retraite.
– Tiens ! lui cria le jeune homme, voilà ce qu’on fait quand on se bat pour son pays : cœur pur et bras loyal suffisent à défendre une tête sans casque, un front sans visière.
Et arrachant les courroies de son heaume, il le jeta loin de lui, en mettant à découvert sa noble et belle tête, dont les yeux étincelaient de vigueur, d’orgueil et de jeunesse.
Le cavalier aux armes noires, au lieu de répondre avec la voix ou de suivre l’exemple donné, poussa un sourd rugissement et leva l’épée sur cette tête nue.
– Ah ! fit Joyeuse en parant le coup, je l’avais bien dit, tu es un traître, et en traître tu mourras.
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Et en le pressant, il lui porta l’un sur l’autre deux ou trois coups de pointe, dont l’un pénétra à travers une des ouvertures de la visière de son casque.
– Ah ! je te tuerai, disait le jeune homme, et je t’enlèverai ton casque, qui te défend et te cache si bien, et je te pendrai au premier arbre que je trouverai sur mon chemin.
L’inconnu allait riposter, lorsqu’un cavalier, qui venait de faire sa jonction avec lui, se pencha à son oreille et lui dit :
– Monseigneur, plus d’escarmouche ; votre présence est utile là-bas.
L’inconnu suivit des yeux la direction indiquée par la main de son interlocuteur, et il vit les Flamands hésiter devant la cavalerie calviniste.
– En effet, dit-il d’une voix sombre, là sont ceux que je cherchais.