Les Quarante-Cinq. Tome III | страница 155
Le roi le remercia et le salua d’un signe de tête amical, auquel Henri répondit par une révérence profonde.
Ces intelligences firent tourner la tête à Joyeuse qui sourit de loin à son frère, sans cependant le saluer trop visiblement de peur d’offenser l’étiquette.
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– Sire, dit Joyeuse, je suis mandé vers Votre Majesté par M. le duc d’Anjou, revenu tout récemment de l’expédition des Flandres.
– Mon frère se porte bien, monsieur l’amiral ? demanda le roi.
– Aussi bien, sire, que le permet l’état de son esprit, cependant je ne cacherai pas à Votre Majesté que monseigneur paraît souffrant.
– Il aurait besoin de distraction après son malheur, dit le roi, heureux de proclamer l’échec arrivé à son frère tout en paraissant le plaindre.
– Je crois que oui, sire.
– On nous a dit, monsieur l’amiral, que le désastre avait été cruel.
– Sire…
– Mais que, grâce à vous, bonne partie de l’armée avait été sauvée ; merci, monsieur l’amiral, merci. Ce pauvre monsieur d’Anjou désire-t-il pas nous voir ?
– Ardemment, sire.
– Aussi, le verrons-nous. Êtes-vous pas de cet avis, madame ? dit Henri, en se tournant vers Catherine, dont le cœur souffrait tout ce que son visage s’obstinait à cacher.
– Sire, répondit-elle, je serais allée seule au devant de mon fils ; mais, puisque Votre Majesté daigne se réunir à moi dans ce vœu de bonne amitié, le voyage me sera une partie de plaisir.
– Vous viendrez avec nous, messieurs, dit le roi aux courtisans ; nous partirons demain, je coucherai à Meaux.
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– Sire, je vais donc annoncer à monseigneur cette bonne nouvelle ?
– Non pas ! me quitter si tôt, monsieur l’amiral, non pas !
Je comprends qu’un Joyeuse soit aimé de mon frère et désiré, mais nous en avons deux… Dieu merci !… Du Bouchage, vous partirez pour Château-Thierry, s’il vous plaît.
– Sire, demanda Henri, me sera-t-il permis, après avoir annoncé l’arrivée de Sa Majesté à monseigneur le duc d’Anjou, de revenir à Paris ?
– Vous ferez comme il vous plaira, du Bouchage, dit le roi.
Henri salua et se dirigea vers la porte. Heureusement Joyeuse le guettait.
– Vous permettez, sire, que je dise un mot à mon frère ?
demanda-t-il.
– Dites. Mais qu’y a-t-il ? fit le roi plus bas.
– Il y a qu’il veut brûler le pavé pour faire la commission, et le brûler pour revenir, ce qui contrarie mes projets, sire, et ceux de M. le cardinal.
– Va donc, va, et tance-moi cet enragé amoureux.
Anne courut après son frère et le rejoignit dans les antichambres.