Les Quarante-Cinq. Tome III | страница 146




– Eh ! ventre de biche ! tu vois bien que je le sais, s’écria Chicot, triomphant d’avoir dégagé cet inconnu, si important pour lui, des langes ténébreux où il était enveloppé d’abord.


– Alors, reprit Jacques, vous voyez bien, monsieur Briquet, que je ne suis pas coupable.


– Non, dit Chicot, tu n’es coupable ni par action, ni par omission, mais tu es coupable par pensée.


– Moi ?


– Sans doute, tu trouves la duchesse fort belle.


– Moi !


– Et tu te retournes pour la voir encore à travers les carreaux.


– Moi ! ! !


Le moinillon rougit et balbutia :


– C’est vrai, elle ressemble à une vierge Marie qui était au chevet de ma mère.


– Oh ! murmura Chicot, combien perdent de choses les gens qui ne sont pas curieux !


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– Alors il se fit raconter par le petit Clément, qu’il tenait désormais à sa discrétion, tout ce qu’il venait de raconter lui-même, mais, cette fois, avec des détails qu’il ne pouvait savoir.


– Vois-tu, dit Chicot quand il eut fini, quel pauvre maître d’escrime tu avais dans frère Borromée !


– Monsieur Briquet, fit le petit Jacques, il ne faut pas dire de mal des morts.


– Non, mais avoue une chose.


– Laquelle ?


– C’est que Borromée tirait moins bien que celui qui l’a tué.


– C’est vrai.


– Et maintenant, voilà tout ce que j’avais à te dire. Bonsoir, mon petit Jacques, à bientôt, et si tu veux…


– Quoi, monsieur Briquet ?


– Eh bien ! c’est moi qui te donnerai des leçons d’escrime à l’avenir.


– Oh ! bien volontiers.


– Maintenant, en route, petit, car on t’attend avec impatience au prieuré.


– C’est vrai ; merci, monsieur Briquet, de m’en avoir fait souvenir.


Et le moinillon disparut en courant.


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Ce n’était pas sans raison que Chicot avait congédié son interlocuteur. Il en avait tiré tout ce qu’il voulait savoir et, d’un autre côté, il lui restait encore quelque chose à apprendre.


Il rejoignit donc à grands pas sa maison. La litière, les porteurs et le cheval étaient toujours à la porte du Fier-Chevalier.


Il regagna sans bruit sa gouttière.


La maison située en face de la sienne était toujours éclairée.


Dès lors, il n’eut plus de regards que pour cette maison.


Il vit d’abord, par la fente d’un rideau, passer et repasser Ernauton, qui paraissait attendre avec impatience.


Puis il vit revenir la litière, il vit partir Mayneville, enfin, il vit entrer la duchesse dans la chambre où palpitait Ernauton plutôt qu’il ne respirait.


Ernauton s’agenouilla devant la duchesse qui lui donna sa blanche main à baiser.