Les Quarante-Cinq. Tome III | страница 14
– Sans doute.
– Eh bien ! ce choc, messieurs, si vous m’en croyez…
– Achevez, monseigneur.
– Vous ne l’attendrez pas, vous le donnerez.
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– À la bonne heure ! s’écria le prince d’Orange, voilà parler.
– En ce moment, continua l’inconnu, qui comprit dès lors qu’il allait trouver un appui dans le prince, les vaisseaux de M.
Joyeuse appareillent.
– Comment savez-vous cela, monseigneur ? s’écrièrent tous ensemble le bourgmestre et les autres membres du conseil.
– Je le sais, dit l’inconnu.
Un murmure de doute passa comme un souffle dans l’assemblée, mais, si léger qu’il fût, il effleura les oreilles de l’habile homme de guerre qui venait d’être introduit sur la scène pour y jouer, selon toute probabilité, le premier rôle.
– En doutez-vous ? demanda-t-il avec le plus grand calme et en homme habitué à lutter contre toutes les appréhensions, tous les amours-propres et tous les préjugés bourgeois.
– Nous n’en doutons pas, puisque vous le dites, monseigneur. Mais que cependant Votre Altesse nous permette de lui dire…
– Dites.
– Que s’il en était ainsi…
– Après ?
– Nous en aurions des nouvelles.
– Par qui ?
– Par notre espion de marine.
En ce moment un homme poussé par l’huissier entra lourdement dans la salle, et fit avec respect quelques pas sur la
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dalle polie en s’avançant moitié vers le bourgmestre, moitié vers le prince d’Orange.
– Ah ! ah ! dit le bourgmestre, c’est toi, mon ami.
– Moi-même, monsieur le bourgmestre, répondit le nouveau venu.
– Monseigneur, dit le bourgmestre, c’est l’homme que nous avons envoyé à la découverte.
À ce mot de monseigneur, lequel ne s’adressait pas au prince d’Orange, l’espion fit un mouvement de surprise et de joie, et s’avança précipitamment pour mieux voir celui que l’on désignait par ce titre.
Le nouveau venu était un de ces marins flamands dont le type est si reconnaissable, étant si accentué : la tête carrée, les yeux bleus, le col court et les épaules larges ; il froissait entre ses grosses mains son bonnet de laine humide, et lorsqu’il fut près des officiers, on vit qu’il laissait sur les dalles une large trace d’eau.
C’est que ses vêtements grossiers étaient littéralement trempés et dégouttants.
– Oh ! oh ! voilà un brave qui est revenu à la nage, dit l’inconnu en regardant le marin avec cette habitude de l’autorité, qui impose soudain au soldat et au serviteur, parce qu’elle implique à la fois le commandement et la caresse.