Les Quarante-Cinq. Tome III | страница 134
Il vit, entendez-vous, là est toute la question.
Il y a toute une dynastie dans ces mots ; ces deux mots séparent la maison de Lorraine du trône de France mieux que ne le ferait le plus profond abîme.
Cependant ne vous inquiétez pas trop de cela. J’ai découvert que deux personnes que je croyais trépassées, existent encore, et il y a une grande chance de mort pour le prince dans la vie de ces deux personnes.
Pensez donc à Paris seulement ; dans six semaines il sera temps que la Ligue agisse ; que nos ligueurs sachent donc que le moment approche et se tiennent prêts.
L’armée est sur pied ; nous comptons douze mille hommes sûrs et bien équipés ; j’entrerai avec elle en France, sous prétexte de combattre les huguenots allemands qui vont porter secours à Henri de Navarre ; je battrai les huguenots, et, entré en France en ami, j’agirai en maître. »
– 265 –
– Eh ! eh ! fit Chicot.
– Je vous fais mal, cher monsieur ? dit Bonhomet, suspendant les frictions.
– Oui, mon brave.
– Je vais frotter plus doucement, soyez tranquille.
Chicot continua.
« P. S. J’approuve entièrement votre plan à l’égard des Quarante-Cinq ; seulement, permettez-moi de vous dire, chère sœur, que vous ferez à ces drôles-là plus d’honneur qu’ils n’en méritent… »
– Ah ! diable ! murmura Chicot, voilà qui devient obscur.
Et il relut :
« J’approuve entièrement votre plan à l’égard des Quarante-Cinq… »
– Quel plan ? se demanda Chicot.
« Seulement, permettez-moi de vous dire, chère sœur, que vous ferez à ces drôles-là plus d’honneur qu’ils n’en méritent. »
– Quel honneur ?
Chicot reprit :
« Qu’ils n’en méritent.
Votre affectionné frère,
H. DE LORRAINE. »
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– Enfin, dit Chicot, tout est clair, excepté le post-scriptum.
Bon ! nous surveillerons le post-scriptum.
– Cher monsieur Chicot, se hasarda de dire Bonhomet, voyant que Chicot avait cessé d’écrire, sinon de penser, cher monsieur Chicot, vous ne m’avez point dit ce que j’aurais à faire de ce cadavre.
– C’est chose toute simple.
– Pour vous qui êtes plein d’imagination, oui, mais pour moi ?
– Eh bien ! suppose, par exemple, que ce malheureux capitaine se soit pris de querelle dans la rue avec des Suisses ou des reîtres, et qu’on te l’ait apporté blessé, aurais-tu refusé de le recevoir ?
– Non, certes, à moins que vous ne me l’eussiez défendu, cher monsieur Chicot.
– Suppose que, déposé dans ce coin, il soit, malgré les soins que tu lui donnais, passé de vie à trépas entre tes mains. Ce serait un malheur, voilà tout, n’est-ce pas ?