Les Quarante-Cinq. Tome III | страница 12




Monseigneur !


À peine le son de cette voix tremblante d’émotion s’était-il éteint, qu’un homme d’une taille élevée et impérieuse, portant avec une grâce suprême le manteau qui l’enveloppait tout entier, entra dans la salle, et salua courtoisement ceux qui se trouvaient là.


Mais au premier regard son œil fier et perçant démêla le prince au milieu des officiers. Il marcha droit à lui et lui offrit la main.


Le prince serra cette main avec affection, et presque avec respect.


Ils s’appelèrent monseigneur l’un l’autre.


Après ce bref échange de civilités, l’inconnu se débarrassa de son manteau.


Il était vêtu d’un pourpoint de buffle, portait des chausses de drap et de longues bottes de cuir.


Il était armé d’une longue épée qui semblait faire partie, non de son costume, mais de ses membres, tant elle jouait avec aisance à son côté ; une petite dague était passée à sa ceinture, près d’une aumônière gonflée de papiers.


Au moment où il rejeta son manteau, on put voir ces longues bottes, dont nous avons parlé, toutes souillées de poussière et de boue.


Ses éperons, rougis du sang de son cheval, ne rendaient plus qu’un son sinistre à chaque pas qu’il faisait sur les dalles.

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Il prit place à la table du conseil.


– Eh bien ! où en sommes-nous, monseigneur ? demanda-t-il.


– Monseigneur, répondit le Taciturne, vous avez dû voir en venant jusqu’ici que les rues étaient barricadées.


– J’ai vu cela.


– Et les maisons crénelées, ajouta un officier.


– Quant à cela, je n’ai pu le voir ; mais c’est d’une bonne précaution.


– Et les chaînes doublées, dit un autre.


– À merveille, répliqua l’inconnu d’un ton insouciant.


– Monseigneur n’approuve point ces préparatifs de défense ? demanda une voix avec un accent sensible d’inquiétude et de désappointement.


– Si fait, dit l’inconnu, mais cependant je ne crois pas que, dans les circonstances où nous nous trouvons, elles soient fort utiles ; elles fatiguent le soldat et inquiètent le bourgeois. Vous avez un plan d’attaque et de défense, je suppose ?


– Nous attendions monseigneur pour le lui communiquer, répondit le bourgmestre.


– Dites, messieurs, dites.


– Monseigneur est arrivé un peu tard, ajouta le prince, et, en l’attendant, j’ai dû agir.


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– Et vous avez bien fait, monseigneur ; d’ailleurs, on sait que lorsque vous agissez, vous agissez bien. Moi non plus, croyez-le bien, je n’ai point perdu mon temps en route.


Puis, se retournant du côté des bourgeois :