Les Quarante-Cinq. Tome III | страница 113
– Eh bien ?
– Eh bien ! comme tu es de leurs meilleurs amis, tu dois savoir comment ils s’en sont allés.
– Sans doute, que je le sais.
– Alors, dis-moi, Henriquet, as-tu entendu dire ?…
Chicot s’arrêta.
– Quoi ?
– Qu’ils aient battu quelqu’un de considérable, par exemple ?
– Je ne l’ai pas entendu dire.
– Ont-ils enlevé quelque femme avec effraction et pistolades ?
– Pas que je sache.
– Ont-ils… brûlé quelque chose, par hasard ?
– Quoi ?
– Que sais-je, moi ? ce qu’on brûle pour se distraire quand on est grand seigneur, la maison d’un pauvre diable, par exemple.
– Es-tu fou, Chicot ? brûler une maison dans ma ville de Paris, est-ce que l’on oserait se permettre d’y faire de ces choses-là ?
– Ah ! oui, l’on se gêne !
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– Chicot !
– Enfin, ils n’ont rien fait dont tu aies entendu le bruit ou vu la fumée ?
– Ma foi, non.
– Tant mieux, dit Chicot, respirant avec une sorte de facilité qu’il n’avait pas eue pendant tout le temps qu’avait duré l’interrogatoire qu’il venait de faire subir à Henri.
– Sais-tu une chose, Chicot ? dit Henri.
– Non, je ne la sais pas.
– C’est que tu deviens méchant.
– Moi ?
– Oui, toi.
– Le séjour de la tombe m’avait édulcoré, grand roi, mais ta présence me surit. Omnia letho putrescunt.
– C’est-à-dire que je suis moisi ? fit le roi.
– Un peu, mon fils, un peu.
– Vous devenez insupportable, Chicot, et je vous attribue des projets d’intrigue et d’ambition que je croyais loin de votre caractère.
– Des projets d’ambition, à moi ? Chicot ambitieux !
Henriquet, mon fils, tu n’étais que niais, tu deviens fou, il y a progrès.
– Et moi je vous dis, monsieur Chicot, que vous voulez éloigner de moi tous mes serviteurs, en leur supposant des
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intentions qu’ils n’ont pas, des crimes auxquels ils n’ont pas pensé ; je dis que vous voulez m’accaparer, enfin.
– T’accaparer ! moi ! s’écria Chicot ; t’accaparer ! pourquoi faire ? Dieu m’en préserve, tu es un être trop gênant, boneDeus ! sans compter que tu es difficile à nourrir en diable. Oh !
non, non, par exemple.
– Hum ! fit le roi.
– Voyons, explique-moi d’où te vient cette idée cornue ?
– Vous avez commencé par écouter froidement mes éloges à l’endroit de votre ancien ami, dom Modeste, à qui vous devez beaucoup.
– Moi, je dois beaucoup à dom Modeste ? Bon, bon, bon !
après ?
– Après, vous avez essayé de me calomnier mes Joyeuse, deux amis véritables, ceux-là.
– Je ne dis pas non.
– Ensuite, vous avez lancé votre coup de griffe sur les Guises.