Les Quarante-cinq. Tome I | страница 56
Quelques-uns se connaissaient : ainsi Eustache de Miradoux vint embrasser le cavalier aux deux laquais, et lui présenta Lardille, Militor et Scipion.
– Et par quel hasard es-tu à Paris ? demanda celui-ci.
– Mais toi-même, mon cher Sainte-Maline ?
– J’ai une charge dans l’armée, et toi ?
– Moi, je viens pour affaire de succession.
– Ah ! ah ! tu traînes donc toujours après toi la vieille Lardille ?
– Elle a voulu me suivre.
– Ne pouvais-tu partir secrètement, au lieu de t’embarrasser de tout ce monde qu’elle traîne après ses jupes ?
– Impossible, c’est elle qui a ouvert la lettre du procureur.
– Ah ! tu as reçu la nouvelle de cette succession par une lettre ? demanda Sainte-Maline.
– Oui, répondit Miradoux.
Puis se hâtant de changer la conversation :
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– N’est-ce pas singulier, dit-il, que cette hôtellerie soit pleine, et ne soit pleine que de compatriotes ?
– Non, ce n’est point singulier ; l’enseigne est appétissante pour des gens d’honneur, interrompit notre ancienne connaissance Perducas de Pincorney, en se mêlant à la conversation.
– Ah ! ah ! c’est vous, compagnon, dit Sainte-Maline, vous ne m’avez toujours pas expliqué ce que vous alliez me raconter vers la place de Grève, lorsque cette grande foule nous a séparés ?
– Et qu’allais-je vous expliquer ? demanda Pincorney en rougissant quelque peu.
– Comment, entre Angoulême et Angers, je vous ai rencontré sur la route, comme je vous vois aujourd’hui, à pied, une badine à la main et sans chapeau.
– Cela vous préoccupe, monsieur ?
– Ma foi, oui, dit Sainte-Maline ; il y a loin de Poitiers ici, et vous venez de plus loin que de Poitiers.
– Je venais de Saint-André de Cubsac.
– Voyez-vous ; et comme cela, sans chapeau ?
– C’est bien simple.
– Je ne trouve pas.
– Si fait, et vous allez comprendre. Mon père a deux chevaux magnifiques, auxquels il tient de telle façon qu’il est capable de me déshériter après le malheur qui m’est arrivé.
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– Et quel malheur vous est-il arrivé ?
– Je promenais l’un des deux, le plus beau, quand tout à coup un coup d’arquebuse part à dix pas de moi, mon cheval s’effarouche, s’emporte et prend la route de la Dordogne.
– Où il s’élance ?
– Parfaitement.
– Avec vous ?
– Non ; par bonheur, j’avais eu le temps de me glisser à terre ; sans cela je me noyais avec lui.
– Ah ! ah ! la pauvre bête s’est donc noyée ?
– Pardioux ! vous connaissez la Dordogne, une demi-lieue de large.
– Et alors ?