Les Quarante-cinq. Tome I | страница 50




Cet officier tout emplumé, tout fier sur son cheval blanc, et dont l’épée au fourreau doré relevait un beau manteau de drap de Flandre, fut en dix minutes en face de l’hôtellerie.


Mais comme ce n’était pas à l’hôtellerie qu’il se rendait, il allait passer outre, sans avoir même admiré l’enseigne, car il paraissait soucieux et préoccupé, ce capitaine, quand maître Fournichon, dont le cœur défaillait à l’idée de ne pas étrenner ce jour-là, se pencha hors de sa tourelle en disant :


– Vois donc, femme, le beau cheval !


Ce à quoi madame Fournichon, saisissant la réplique en hôtelière accorte, ajouta :


– Et le beau cavalier donc !


Le capitaine, qui ne paraissait pas insensible aux éloges, de quelque part qu’ils lui vinssent, leva la tête comme s’il se réveillait en sursaut. Il vit l’hôte, l’hôtesse et l’hôtellerie, arrêta son cheval et appela son ordonnance.


Puis, toujours en selle, il regarda fort attentivement la maison et le quartier.


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Fournichon avait dégringolé quatre à quatre les marches de son escalier et se tenait à la porte, son bonnet roulé entre ses deux mains.


Le capitaine, ayant réfléchi quelques instants, descendit de cheval.


– N’y a-t-il personne ici ? demanda-t-il.


– Pour le moment, non, monsieur, répondit l’hôte humilié.


Et il s’apprêtait à ajouter :


– Ce n’est cependant pas l’habitude de la maison.


Mais dame Fournichon, comme presque toutes les femmes, était plus perspicace que son mari ; elle se hâta, en conséquence, de crier du haut de sa fenêtre :


– Si monsieur cherche la solitude, il sera parfaitement chez nous.


Le cavalier leva la tête, et voyant cette bonne figure, après avoir entendu cette bonne réponse, il répliqua :


– Pour le moment, oui ; c’est justement ce que je cherche, ma bonne femme.


Dame Fournichon se précipita aussitôt à la rencontre du voyageur, en se disant :


– Pour cette fois, c’est le Rosier d’Amour qui étrenne, et non l’Épée du fier Chevalier.


Le capitaine qui, à cette heure, attirait l’attention des deux époux, et qui mérite d’attirer en même temps celle du lecteur, ce capitaine était un homme de trente à trente-cinq ans, qui paraissait en avoir vingt-huit, tant il avait soin de sa personne. Il

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était grand, bien fait, d’une physionomie expressive et fine ; peut-être, en l’examinant bien, eût-on trouvé quelque affectation dans son grand air ; affecté ou non, son air était grand.


Il jeta aux mains de son compagnon la bride d’un magnifique cheval qui battait d’un pied la terre, et lui dit :