Les Quarante-cinq. Tome I | страница 31
– Aussi, interrompit Catherine, le roi a-t-il l’intention, monsieur le président, de surseoir à l’exécution, si le coupable signe une confession analogue à ses dépositions devant le juge qui lui a fait infliger la question.
Brisson interrogea le roi des yeux et du geste.
– C’est mon intention, dit Henri, et je ne le cache pas plus longtemps ; vous pouvez vous en assurer, monsieur Brisson, en faisant parler au patient par votre lieutenant de robe.
– Votre Majesté n’a rien de plus à recommander ?
– Rien. Mais pas de variation dans les aveux, ou je retire ma parole. – Ils sont publics, ils doivent être complets.
– Oui, sire. – Avec les noms des personnages compromis ?
– Avec les noms, tous les noms !
– Même lorsque ces noms seraient entachés, par l’aveu du patient, de haute trahison et révolte au premier chef ?
– Même lorsque ces noms seraient ceux de mes plus proches parents ! dit le roi.
– Il sera fait comme Votre Majesté l’ordonne.
– Je m’explique, monsieur Brisson ; ainsi donc, pas de malentendu. On apportera au condamné du papier et des plumes ; il écrira sa confession, montrant par là publiquement qu’il s’en réfère à notre miséricorde et se met à notre merci.
Après, nous verrons.
– Mais je puis promettre ?
– Eh oui ! promettez toujours.
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– Allez, messieurs, dit le président en congédiant les conseillers.
Et ayant salué respectueusement le roi, il sortit derrière eux.
– Il parlera, sire, dit Louise de Lorraine toute tremblante ; il parlera, et Votre Majesté fera grâce. Voyez comme l’écume nage sur ses lèvres.
– Non, non, il cherche, dit Catherine ; il cherche et pas autre chose. Que cherche-t-il donc ?
– Parbleu ! dit Henri III, ce n’est pas difficile à deviner ; il cherche M. le duc de Parme, M. le duc de Guise ; il cherche monsieur mon frère, le roi très catholique. Oui, cherche !
cherche ! attends ! crois-tu que la place de Grève soit lieu plus commode pour les embuscades que la route des Flandres ?
crois-tu que je n’aie pas ici cent Bellièvre pour t’empêcher de descendre de l’échafaud où un seul t’a conduit ?
Salcède avait vu les archers partir pour aller chercher les chevaux. Il avait aperçu le président et les conseillers dans la loge du roi, – puis il les avait vus disparaître : il comprit que le roi venait de donner l’ordre du supplice.
Ce fut alors que parut sur sa bouche livide cette sanglante écume remarquée par la jeune reine : le malheureux, dans la mortelle impatience qui le dévorait, se mordait les lèvres jusqu’au sang.