Les Quarante-cinq. Tome I | страница 30




– Reste, Joyeuse, reste ; tu verras que c’est intéressant.


– Je n’en doute pas ; je crains même, comme je l’ai dit à Votre Majesté, que l’intérêt ne soit porté à un point où je ne puisse plus le soutenir ; ainsi vous permettez, n’est-ce pas, sire ?


– Allons, dit Henri III en soupirant, fais donc à ta fantaisie ; ma destinée est de vivre seul.


Et le roi se retourna, le front plissé, vers sa mère, craignant qu’elle n’eût entendu le colloque qui venait d’avoir lieu entre lui et son favori.


Catherine avait l’ouïe aussi fine que la vue ; mais lorsqu’elle ne voulait pas entendre, nulle oreille n’était plus dure que la sienne.


Pendant ce temps, Joyeuse s’était penché à l’oreille de son frère et lui avait dit :


– Alerte, alerte, du Bouchage ! tandis que ces conseillers vont entrer, glisse-toi derrière leurs grandes robes, et esquivons-nous ; le roi dit oui maintenant, dans cinq minutes il dira non.


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– Merci, merci, mon frère, répondit le jeune homme ; j’étais comme vous, j’avais hâte de partir.


– Allons, allons, voici les corbeaux qui paraissent, disparais, tendre rossignol.


En effet, derrière MM. les conseillers, on vit fuir, comme deux ombres rapides, les deux jeunes gens.


Sur eux retomba la tapisserie aux pans lourds.


Quand le roi tourna la tête, ils avaient déjà disparu.


Henri poussa un soupir et baisa son petit chien.


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V

Le supplice


Les conseillers se tenaient au fond de la loge du roi, debout et silencieux, attendant que le roi leur adressât la parole.


Le roi se laissa attendre un instant, puis, se retournant de leur côté :


– Eh bien ! messieurs, – quoi de nouveau ? demanda-t-il.

Bonjour, monsieur le président Brisson.


– Sire, répondit le président avec sa dignité facile que l’on appelait à la cour sa courtoisie de huguenot, nous venons supplier Votre Majesté, ainsi que l’a désiré M. de Thou, de ménager la vie du coupable. Il a sans doute quelques révélations à faire, et en lui promettant la vie on les obtiendrait.


– Mais, dit le roi, ne les a-t-on pas obtenues, monsieur le président ?


– Oui, sire, – en partie : – est-ce suffisant pour Votre Majesté ?


– Je sais ce que je sais, messire.


– Votre Majesté sait alors à quoi s’en tenir sur la participation de l’Espagne dans cette affaire ?


– De l’Espagne ? oui, monsieur le président, et même de plusieurs autres puissances.


– Il serait important de constater cette participation, sire.

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