Les Quarante-cinq. Tome I | страница 16
Le Gascon à tête nue s’était approché le premier. Ce fut en conséquence par lui que la revue commença.
– Votre nom ? demanda l’officier.
– Mon nom, monsieur l’officier ? il est écrit sur cette carte sur laquelle vous verrez encore autre chose.
– N’importe !
votre nom ?
répéta l’officier avec
impatience ; ne savez-vous pas votre nom ?
– Si fait, je le sais ; cap de Bious ! et je l’aurais oublié que vous pourriez me le dire, puisque nous sommes compatriotes et même cousins.
– Votre nom ? mille diables ! Croyez-vous que j’aie du temps à perdre en reconnaissances ?
– C’est bon. Je me nomme Perducas de Pincornay.
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– Perducas de Pincornay ? reprit M. de Loignac, à qui nous donnerons désormais le nom dont l’avait salué son compatriote.
Puis jetant les yeux sur la carte :
– Perducas de Pincornay, 26 octobre 1585, à midi précis.
– Porte Saint-Antoine, ajouta le Gascon en allongeant son doigt noir et sec sur la carte :
– Très bien ! en règle : entrez, fit M. de Loignac pour couper court à tout dialogue ultérieur entre lui et son compatriote ; à vous maintenant, dit-il au second.
L’homme à la cuirasse s’approcha.
– Votre carte ? demanda Loignac.
– Eh quoi ? monsieur de Loignac, s’écria celui-ci, ne reconnaissez-vous pas le fils de l’un de vos amis d’enfance que vous avez fait sauter vingt fois sur vos genoux ?
– Non.
– Pertinax de Montcrabeau, reprit le jeune homme avec étonnement ; vous ne le reconnaissez pas ?
– Quand je suis de service, je ne reconnais personne, monsieur. Votre carte.
Le jeune homme à la cuirasse tendit sa carte.
– Pertinax de Montcrabeau, 26 octobre, midi précis, porte Saint-Antoine. Passez.
Le jeune homme passa, et, un peu étourdi de la réception, alla rejoindre Perducas, qui attendait l’ouverture de la porte.
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Le troisième Gascon s’approcha ; c’était le Gascon à la femme et aux enfants.
– Votre carte ? demanda Loignac.
Sa main obéissante plonge aussitôt dans une petite gibecière de peau de chèvre qu’il portait au côté droit.
Mais ce fut inutilement : embarrassé qu’il était par l’enfant qu’il portait dans ses bras, il ne trouvait point le papier qu’on lui demandait.
– Que diable faites-vous de cet enfant, monsieur ? vous voyez bien qu’il vous gêne.
– C’est mon fils, monsieur de Loignac.
– Eh bien ! déposez votre fils à terre.
Le Gascon obéit ; l’enfant se mit à hurler.
– Ah ça ! vous êtes donc marié ? demanda Loignac.
– Oui, monsieur l’officier.
– À vingt ans ?