Le vicomte de Bragelonne. Tome III | страница 26




– À moi, Sire ?


– Oui, et des plus sérieuses.


– En vérité, Votre Majesté m’effraie… et cependant j’attends, plein de confiance dans sa justice et dans sa bonté.


– Que me dit-on, monsieur Fouquet, que vous préparez une grande fête à Vaux ?


Fouquet sourit comme fait le malade au premier frisson d’une fièvre oubliée et qui revient.


– Et vous ne m’invitez pas ? continua le roi.


– Sire, répondit Fouquet, je ne songeais pas à cette fête, et c’est hier au soir seulement qu’un de mes amis, Fouquet appuya sur le mot, a bien voulu m’y faire songer.


– Mais hier au soir je vous ai vu et vous ne m’avez parlé de rien, monsieur Fouquet.


– Sire, comment espérer que Votre Majesté descendrait à ce point des hautes régions où elle vit jusqu’à honorer ma demeure de sa présence royale ?


– Excusez, monsieur Fouquet ; vous ne m’avez point parlé de votre fête.


– Je n’ai point parlé de cette fête, je le répète, au roi d’abord parce que rien n’était décidé à l’égard de cette fête, ensuite parce que je craignais un refus.

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– Et quelle chose vous faisait craindre ce refus, monsieur Fouquet ? Prenez garde, je suis décidé à vous pousser à bout.


– Sire, le profond désir que j’avais de voir le roi agréer mon invitation.


– Eh bien ! monsieur Fouquet, rien de plus facile, je le vois, que de nous entendre. Vous avez le désir de m’inviter à votre fête, j’ai le désir d’y aller ; invitez-moi, et j’irai.


– Quoi ! Votre Majesté daignerait accepter ? murmura le surintendant.


– En vérité, monsieur, dit le roi en riant, je crois que je fais plus qu’accepter ; je crois que je m’invite moi-même.


– Votre Majesté me comble d’honneur et de joie ! s’écria Fouquet ; mais je vais être forcé de répéter ce que M. de La Vieuville disait à votre aïeul Henri IV : Domine, non sum dignus.


– Ma réponse à ceci, monsieur Fouquet, c’est que, si vous donnez une fête, invité ou non, j’irai à votre fête.


– Oh ! merci, merci, mon roi ! dit Fouquet en relevant la tête sous cette faveur, qui, dans son esprit, était sa ruine. Mais comment Votre Majesté a-t elle été prévenue ?


– Par le bruit public, monsieur Fouquet, qui dit des merveilles de vous et des miracles de votre maison. Cela vous rendra-t-il fier, monsieur Fouquet, que le roi soit jaloux de vous ?


– Cela me rendra le plus heureux homme du monde, Sire, puisque le jour où le roi sera jaloux de Vaux, j’aurai quelque chose de digne à offrir à mon roi.


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– Eh bien ! monsieur Fouquet, préparez votre fête, et ouvrez à deux battants les portes de votre maison.