Le vicomte de Bragelonne. Tome III | страница 17




De Saint-Aignan fléchit le genou devant La Vallière.


– Quelle joie pour moi, murmura-t-il, si Mademoiselle me fait un pareil honneur !


– Je vais vous renvoyer votre compagne, dit le roi. Adieu, mademoiselle, ou plutôt au revoir : faites-moi la grâce de ne pas m’oublier dans votre prière.


– Oh ! Sire, dit La Vallière, soyez tranquille : vous êtes avec Dieu dans mon cœur.


Ce dernier mot enivra le roi, qui, tout joyeux, entraîna de Saint-Aignan par les degrés.


Madame n’avait pas prévu ce dénouement-là : ni naïade ni dryade n’en avaient parlé.


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Chapitre CXXXIV – Le nouveau général des

jésuites


Tandis que La Vallière et le roi confondaient dans leur premier aveu tous les chagrins du passé, tout le bonheur du présent, toutes les espérances de l’avenir, Fouquet, rentré chez lui, c’est-à-dire dans l’appartement qui lui avait été départi au château, Fouquet s’entretenait avec Aramis, justement de tout ce que le roi négligeait en ce moment.


– Vous me direz, commença Fouquet, lorsqu’il eut installé son hôte dans un fauteuil et pris place lui-même à ses côtés, vous me direz, monsieur d’Herblay, où nous en sommes maintenant de l’affaire de Belle-Île, et si vous en avez reçu quelques nouvelles.


– Monsieur le surintendant, répondit Aramis, tout va de ce côté comme nous le désirons ; les dépenses ont été soldées, rien n’a transpiré de nos desseins.


– Mais les garnisons que le roi voulait y mettre ?


– J’ai reçu ce matin la nouvelle qu’elles y étaient arrivées depuis quinze jours.


– Et on les a traitées ?


– À merveille.


– Mais l’ancienne garnison, qu’est-elle devenue ?


– Elle a repris terre à Sarzeau, et on l’a immédiatement dirigée sur Quimper.


– Et les nouveaux garnisaires ?

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– Sont à nous à cette heure.


– Vous êtes sûr de ce que vous dites, mon cher monsieur de Vannes ?


– Sûr, et vous allez voir, d’ailleurs, comment les choses se sont passées.


– Mais de toutes les garnisons, vous savez cela, Belle-Île est justement la plus mauvaise.


– Je sais cela et j’agis en conséquence ; pas d’espace, pas de communications, pas de femmes, pas de jeu ; or, aujourd’hui, c’est grande pitié, ajouta Aramis avec un de ces sourires qui n’appartenaient qu’à lui, de voir combien les jeunes gens cherchent à se divertir, et combien, en conséquence, ils inclinent vers celui qui paie les divertissements.


– Mais s’ils s’amusent à Belle-Île ?


– S’ils s’amusent de par le roi, ils aimeront le roi ; mais s’ils s’ennuient de par le roi et s’amusent de par M. Fouquet, ils aimeront M. Fouquet.