Le vicomte de Bragelonne. Tome III | страница 16



pardonné ?


Le roi ne répondit pas… il était encore trop ému.


De Saint-Aignan crut devoir s’éloigner de nouveau… Il avait deviné la flamme qui jaillissait des yeux de Sa Majesté.


La Vallière se leva.


– Et maintenant, Sire, dit-elle avec courage, maintenant que je me suis justifiée, je l’espère du moins, aux yeux de Votre Majesté, accordez-moi de me retirer dans un couvent. J’y bénirai mon roi toute ma vie, et j’y mourrai en aimant Dieu, qui m’a fait un jour de bonheur.


– Non, non, répondit le roi, non, vous vivrez ici en bénissant Dieu, au contraire, mais en aimant Louis, qui vous fera toute une existence de félicité, Louis qui vous aime, Louis qui vous le jure !


– Oh ! Sire, Sire !…


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Et sur ce doute de La Vallière, les baisers du roi devinrent si brûlants, que de Saint-Aignan crut qu’il était de son devoir de passer de l’autre côté de la tapisserie.


Mais ces baisers, qu’elle n’avait pas eu la force de repousser d’abord, commencèrent à brûler la jeune fille.


– Oh ! Sire, s’écria-t-elle alors, ne me faites pas repentir d’avoir été si loyale, car ce serait me prouver que Votre Majesté me méprise encore.


– Mademoiselle, dit soudain le roi en se reculant plein de respect, je n’aime et n’honore rien au monde plus que vous, et rien à ma cour ne sera, j’en jure Dieu, aussi estimé que vous ne le serez désormais ; je vous demande donc pardon de mon emportement, mademoiselle, il venait d’un excès d’amour ; mais je puis vous prouver que j’aimerai encore davantage, en vous respectant autant que vous pourrez le désirer.


Puis, s’inclinant devant elle et lui prenant la main :


– Mademoiselle, lui dit-il, voulez-vous me faire cet honneur d’agréer le baiser que je dépose sur votre main ?


Et la lèvre du roi se posa respectueuse et légère sur la main frissonnante de la jeune fille.


– Désormais, ajouta Louis en se relevant et en couvrant La Vallière de son regard, désormais vous êtes sous ma protection. Ne parlez à personne du mal que je vous ai fait, pardonnez aux autres celui qu’ils ont pu vous faire. À l’avenir, vous serez tellement au-dessus de ceux-là, que, loin de vous inspirer de la crainte, ils ne vous feront plus même pitié.


Et il salua religieusement comme au sortir d’un temple.


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Puis, appelant de Saint-Aignan, qui s’approcha tout humble :


– Comte, dit-il, j’espère que Mademoiselle voudra bien vous accorder un peu de son amitié en retour de celle que je lui ai vouée à jamais.