Le vicomte de Bragelonne. Tome III | страница 11




– Oui.


– Vous comprenez que je ne puis faire une pareille chose sans savoir dans quel but vous la désirez.


– Malheureusement, cher monsieur Malicorne, il m’est impossible de donner aucune explication ; il faut donc que vous vous fiiez à moi comme un ami qui vous a tiré d’embarras hier et qui vous prie de l’en tirer aujourd’hui.


– Mais moi, monsieur, je vous disais ce que je voulais ; ce que je voulais, c’était ne point coucher à la belle étoile, et tout honnête homme peut avouer un pareil désir ; tandis que vous, vous n’avouez rien.

– 20 –


– Croyez, mon cher monsieur Malicorne, insista de Saint-Aignan, que, s’il m’était permis de m’expliquer, je m’expliquerais.


– Alors, mon cher monsieur, impossible que je vous permette d’entrer chez Mlle de Montalais.


– Pourquoi ?


– Vous le savez mieux que personne, puisque vous m’avez pris sur un mur, faisant la cour à Mlle de Montalais ; or, ce serait complaisant à moi, vous en conviendrez, lui faisant la cour, de vous ouvrir la porte de sa chambre.


– Eh ! qui vous dit que ce soit pour elle que je vous demande la clef ?


– Pour qui donc alors ?


– Elle ne loge pas seule, ce me semble ?


– Non, sans doute.


– Elle loge avec Mlle de La Vallière ?


– Oui, mais vous n’avez pas plus affaire réellement à Mlle de La Vallière qu’à Mlle de Montalais, et il n’y a que deux hommes à qui je donnerais cette clef : c’est à M. de Bragelonne, s’il me priait de la lui donner ; c’est au roi, s’il me l’ordonnait.


– Eh bien ! donnez-moi donc cette clef, monsieur, je vous l’ordonne, dit le roi en s’avançant hors de l’obscurité et en entrouvrant son manteau. Mlle de Montalais descendra près de vous, tandis que nous monterons près de Mlle de La Vallière : c’est, en effet, à elle seule que nous avons affaire.


– 21 –


– Le roi ! s’écria Malicorne en se courbant jusqu’aux genoux du roi.


– Oui, le roi, dit Louis en souriant, le roi qui vous sait aussi bon gré de votre résistance que de votre capitulation. Relevez-vous, monsieur ; rendez nous le service que nous vous demandons.


– Sire, à vos ordres, dit Malicorne en montant l’escalier.


– Faites descendre Mlle de Montalais, dit le roi, et ne lui sonnez mot de ma visite.


Malicorne s’inclina en signe d’obéissance et continua de monter.


Mais le roi, par une vive réflexion, le suivit, et cela avec une rapidité si grande, que, quoique Malicorne eût déjà la moitié des escaliers d’avance, il arriva en même temps que lui à la chambre.