Le vicomte de Bragelonne. Tome I | страница 25
– Vous avez vu Monsieur ? demanda le comte vivement.
– J'ai eu cet honneur.
– Au château ?
– Oui, monsieur, répondit Raoul en baissant les yeux, parce que, sans doute, il avait senti dans l'interrogation du comte plus que de la curiosité.
– Ah ! vraiment, vicomte ?… Je vous fais mon compliment.
Raoul s'inclina.
– Mais vous avez encore vu quelqu'un à Blois ?
– Monsieur, j'ai vu Son Altesse Royale, Madame.
– Très bien. Ce n'est pas de Madame que je parle.
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Raoul rougit extrêmement et ne répondit point.
– Vous ne m'entendez pas, à ce qu'il paraît, monsieur le vicomte ? insista M. de La Fère sans accentuer plus nerveusement sa question, mais en forçant l'expression un peu plus sévère de son regard.
– Je vous entends parfaitement, monsieur, répliqua Raoul, et si je prépare ma réponse, ce n'est pas que je cherche un mensonge, vous le savez, monsieur.
– Je sais que vous ne mentez jamais. Aussi, je dois m'étonner que vous preniez un si long temps pour me dire : oui ou non.
– Je ne puis vous répondre qu'en vous comprenant bien, et si je vous ai bien compris, vous allez recevoir en mauvaise part mes premières paroles. Il vous déplaît sans doute, monsieur le comte, que j'aie vu…
– Mlle de La Vallière, n'est-ce pas ?
– C'est d'elle que vous voulez parler, je le sais bien, monsieur le comte, dit Raoul avec une inexprimable douceur.
– Et je vous demande si vous l'avez vue.
– Monsieur, j'ignorais absolument, lorsque j'entrai au château, que Mlle de La Vallière pût s'y trouver ; c'est seulement en m'en retournant, après ma mission achevée, que le hasard nous a mis en présence. J'ai eu l'honneur de lui présenter mes respects.
– Comment s'appelle le hasard qui vous a réuni à Mlle de La Vallière ?
– Mlle de Montalais, monsieur.
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– Qu'est-ce que Mlle de Montalais ?
– Une jeune personne que je ne connaissais pas, que je n'avais jamais vue. Elle est fille d'honneur de Madame.
– Monsieur le vicomte, je ne pousserai pas plus loin mon interrogatoire, que je me reproche déjà d'avoir fait durer. Je vous avais recommandé d'éviter Mlle de La Vallière, et de ne la voir qu'avec mon autorisation. Oh ! je sais que vous m'avez dit vrai, et que vous n'avez pas fait une démarche pour vous rapprocher d'elle.
Le hasard m'a fait du tort ; je n'ai pas à vous accuser. Je me contenterai donc de ce que je vous ai déjà dit concernant cette demoiselle. Je ne lui reproche rien, Dieu m'en est témoin ; seulement il n'entre pas dans mes desseins que vous fréquentiez sa maison. Je vous prie encore une fois, mon cher Raoul, de l'avoir pour entendu. On eût dit que l'œil si limpide et si pur de Raoul se troublait à cette parole.