Том 3. Публицистические произведения | страница 44
Et voilà pourquoi cet ordre: «ballotté d’âge en âge» à travers les persécutions et le triomphe, l’outrage et l’apothéose, n’a jamais trouvé, et ne saurait trouver, en Occident, ni des convictions religieuses suffisamment désintéressées dans sa cause pour pouvoir l’apprécier, ni une autorité religieuse compétente pour le juger. Une fraction de la société occidentale, celle qui a résolument rompu avec le principe chrétien, ne s’attaque aux jésuites que pour pouvoir à couvert de leur impopularité mieux assurer les coups qu’elle adresse à son véritable ennemi. Quant à ceux des catholiques restés fidèles à Rome qui se sont faits les adversaires de cet ordre, bien qu’individuellement parlant ils puissent comme chrétiens être dans le vrai, toutefois comme catholiques romains ils sont sans armes contre lui, car en l’attaquant ils s’exposeraient toujours au danger de blesser l’Eglise romaine elle-même.
Mais ce n’est pas seulement contre les jésuites, cette force vive du catholicisme, qu’on a cherché à exploiter la popularité moitié factice, moitié sincère dont on avait enveloppé le pape Pie IX. Un autre parti encore comptait aussi sur lui — une autre mission lui était réservée.
Les partisans de l’indépendance nationale espéraient que, sécularisant tout à fait la Papauté au profit de leur cause, celui qui avant tout est prêtre, consentirait à se faire le gonfalonier de la liberté italienne. C’est ainsi que les deux sentiments les plus vivaces et les plus impérieux de l’Italie contemporaine: l’antipathie pour la domination séculière du clergé et la haine traditionnelle de l’étranger, du barbare, de l’Allemand, revendiquaient tous deux, au profit de leur cause, la coopération du Pape. Tout le monde le glorifiait, le déifiait même, mais à la condition qu’il se ferait le serviteur de tout le monde, et cela dans un sens qui n’était nullement celui de l’humilité chrétienne.
Parmi les opinions ou les influences politiques qui venaient ainsi briguer son patronage en lui offrant leur concours, il y en avait une qui avait jeté précédemment quelque éclat parce qu’elle avait eu pour interprètes et pour apôtres quelques hommes d’un talent littéraire peu commun. A en croire les doctrines naïvement ambitieuses de ces théoriciens politiques, l’Italie contemporaine allait sous les auspices du Pontificat romain récupérer la primauté universelle et ressaisir pour la troisième fois le sceptre du monde. C’est-à-dire qu’au moment où l’établissement papal était secoué jusque dans ses fondements, ils proposaient sérieusement au Pape de renchérir encore sur les données du moyen-âge et lui offraient quelque chose comme un Califat chrétien — à la condition, bien entendu, que cette théocratie nouvelle s’exercerait avant tout dans l’intérêt de la nationalité italienne.