Том 3. Публицистические произведения | страница 39
Voilà l’écueil sur lequel la réforme du seizième siècle est venue échouer. Telle est, n’en déplaise à la sagesse des docteurs de l’Occident, la véritable et la seule cause qui a fait dévier ce mouvement de la réforme — chrétien à son origine, jusqu’à la faire aboutir à la négation de l’autorité de l’Eglise et, par suite, du principe même de toute autorité. Et c’est par cette brèche, que le
Protestantisme a ouverte pour ainsi dire à son insu, que le principe anti-chrétien a fait plus tard irruption dans la société de l’Occident.
Ce résultat était inévitable, car le moi humain livré à lui-même est anti-chrétien par essence. La révolte, l’usurpation du moi ne datent pas assurément des trois derniers siècles, mais ce qui alors était nouveau, ce qui se produisait pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, c’était de voir cette révolte, cette usurpation élevées à la dignité d’un principe et s’exerçant à titre d’un droit essentiellement inhérent à la personnalité humaine.
II ne fallait pas moins que la venue au monde du Christianisme pour inspirer à l’homme des prétentions aussi altières, comme il ne fallait pas moins que la présence du souverain légitime pour rendre la révolte complète et l’usurpation flagrante.
Depuis ces trois derniers siècles la vie historique de l’Occident n’a donc été, et n’a pu être, qu’une guerre incessante, un assaut continuel livré à tout ce qu’il y avait d’éléments chrétiens dans la composition de l’ancienne société occidentale. Ce travail de démolition a été long, car avant de pouvoir s’attaquer aux institutions il avait fallu détruire ce qui en faisait le ciment: c’est-à-dire les croyances.
Ce qui fait de la première révolution française une date à jamais mémorable dans l’histoire du monde, c’est qu’elle a inauguré pour ainsi dire l’avènement de l’idée anti-chrétienne aux gouvernements de la société politique.
Que cette idée est le caractère propre et comme l’âme elle-même de la Révolution, il suffit, pour s’en convaincre, d’examiner quel est son dogme essentiel, — le dogme nouveau qu’elle a apporté au monde. C’est évidemment le dogme de la souveraineté du peuple. Or, qu’est-ce que la souveraineté du peuple, sinon celle du moi humain multiplié par le nombre — c’est-à-dire appuyé sur la force? Tout ce qui n’est pas ce principe n’est plus la révolution et ne saurait avoir qu’une valeur purement relative et contingente. Voilà pourquoi, soit dit en passant, rien n’est plus niais, ou plus perfide que d’attribuer aux institutions politiques que la Révolution a créées, une autre valeur que celle-là. Ce sont des machines de guerre admirablement appropriées à l’usage pour lequel elles ont été faites, mais qui en dehors de cette destination ne sauraient jamais, dans une société régulière, trouver d’emploi convenable.