Том 3. Публицистические произведения | страница 27



Et qu’on ne se laisse pas induire en erreur par cette espèce de bienveillance dédaigneuse que les nouveaux pouvoirs ont jusqu’ici témoignée à l’Eglise catholique et à ses ministres. Ceci est peut-être le symptôme le plus grave de la situation et l’indice le plus certain de la toute-puissance que la Révolution a obtenue. Pourquoi, en effet, la Révolution se montrerait-elle rébarbative envers un clergé, envers des prêtres chrétiens qui, non contents de la subir, l’acceptent et l’adoptent, qui pour la conjurer glorifient toutes ses violences et qui, sans y croire, s’associent à tous ses mensonges? Si dans une pareille conduite il n’y avait que du calcul, ce calcul déjà serait de l’apostasie; mais s’il y entre de la conviction, c’en est une bien plus grande encore.

Et cependant il est à prévoir que les persécutions ne manqueront pas; car le jour où la limite des concessions sera atteinte, le jour où l’Eglise catholique croira devoir résister, on verra qu’elle ne pourra le faire qu’en rétrogradant jusqu’au martyre. On peut s’en fier à la Révolution: elle se montrera en toutes choses fidèle à elle-même et conséquente jusqu’au bout.

L’explosion de Février a rendu ce grand service au monde, c’est qu’elle a fait crouler jusqu’à terre tout l’échafaudage des illusions dont on avait masqué la realité. Les moins intelligents doivent avoir compris maintenant que l’histoire de l’Europe depuis trente-trois ans n’a été qu’une longue mystification. En effet, de quelle lumière inexorable tout ce passé, si récent et déjà si loin de nous, ne s’est-il pas tout à coup illuminé? Qui, par exemple, ne comprend pas maintenant tout ce qu’il y avait de ridicule prétention dans cette sagesse du siècle qui s’était béatement persuadée qu’elle avait réussi à dompter la Révolution par l’exorcisme constitutionnel, à lier sa terrible énergie par une formule de légalité? Qui pourrait douter encore, après ce qui s’est passé, que du moment où le principe révolutionnaire est entré dans le sang d’une société, tous ses procédés, toutes ses formules de transactions ne sont plus que des narcotiques qui peuvent bien momentanément endormir le malade, mais qui n’empêchent pas le mal de poursuive son cours?

Et voilà pourquoi, après avoir dévoré la Restauration qui lui était personnellement odieuse comme un dernier débris de l’autorité légitime en France, la Révolution n’a pas mieux supporté cet autre pouvoir, né d’elle-même, qu’elle avait bien accepté en 1830 pour lui servir de compère vis-à-vis de l’Europe, mais qu’elle a brisé le jour où, au lieu de la servir, ce pouvoir s’est avisé de se croire son maître.